Chaque visage est le Sinaï d'où procède la voix qui interdit le meurtre - Lévinas

Règlementation du champ psy Philippe Grauer

 

Ce texte de Philippe Grauer qui nous a été transmis le jeudi 3février 2005 par voie de mail par l'ALP - Agence de Presse Lacanienne

 

à deux jours du septième forum des psys "Le droit au secret" où la présence du Ministre de la Santé Monsieur Douste Blazy est annoncée (À lire à voir à entendre : Rubrique Rendez-vous)

 

 

 

Ça bouge sur le front

de la psychothérapie relationnelle et de la psychanalyse,

par Philippe Grauer






    Il convient tout d’abord de saluer la victoire de Jacques-Alain Miller, qui, reçu à la demande du Ministre, se trouve actuellement investi de la responsabilité d’ouvrir un véritable débat sur la psychanalyse et l’ensemble des problèmes posés par la refonte des quatre disciplines du Carré psy — et notamment de la psychiatrie. Cette excellente initiative modifie radicalement le paysage des négociations pour l’ensemble du champ.

    Comme nous l'exprimait Jacques-Alain Miller dans un de ses courriels "— Météo pour psychanalyse et psychothérapie relationnelle : une éclaircie à attendre début février, le soleil brille". Nous nous réjouissons de cette avancée, qui sanctionne une année de fructueuse lutte commune, dans laquelle nous pouvons revendiquer d'avoir très honorablement tenu notre partie.

Heureuse conjonction, parallèlement, Elisabeth Roudinesco est reçue mercredi par Monsieur Douste-Blazy, à la demande de ce dernier, pour un entretien sur l'ensemble des questions concernant notamment la psychanalyse, les psychothérapies et l'enseignement de la psychopathologie clinique à l'Université.

    On voit que la zone de dialogue s'élargit et s'approfondit. N'en concluons pas hâtivement que nous sommes entendus sur tout, ça n'est certainement pas le cas. Mais l'ouverture est certaine, et l'esprit dans lequel elle est conduite diffère sensiblement de ce que nous avons connu précédemment.

    Cela dit la "machine infernale" que constitue le rapport de l'Inserm, reste une infamie à laquelle se réfèrent les services du Ministère, dont la DGS — Direction générale de la santé, pour discréditer nos pratiques et nos formations, comme le dit Jacques-Alain Miller.

    Il le dit si bien que je ne résiste pas au plaisir de le citer quand il ajoute, au chapitre Les points qui ne sont pas négociables : "— Pour qu’un homme aussi posé que mon ami, le Pr. Roland Gori, bien plus posé que moi, ait déclaré dansLe Monde : "Ça me dégoûte", il faut vraiment que la mesure soit comble. Ce rapport a été vite discrédité sur le plan scientifique, et il s’est même vu contesté de l’intérieur, par plusieurs de ceux qui en ont accouché. Cela n’empêche pas qu’on le retrouve à tous les coins de rue, utilisé sans vergogne pour égarer le public. Les TTC, que le public ignorait il y a un an, qui comptent un nombre infime d’adeptes parmi les praticiens, ont été lancées dans les médias par ou avec l’appui des pouvoirs publics, assorties d’un discours autoritaire, et au culot, bien dans l’esprit de ces pratiques, déjà stigmatisées par Kubrick dans son prodigieuxOrange mécanique, que l’on aimerait voir ressortir en salle. Eh bien, si ce rapport scélérat continue sa carrière, qu’y a-t-il à débattre ?          On ne discute pas avec ceux qui veulent votre disparition, et qui, pour l’obtenir, usent des moyens de l’imposture et de l’intimidation. On les combat."

    Pour finir je continue de citer, un peu plus loin, car nous adhérons à cela :

    "— tout ce qui ressemblera de près ou de loin au Plan Cléry sera par nous inavalable, même en y mettant toutes les sauces du monde. Tout ce qui n’y ressemblera pas sera considéré, et, pourquoi pas, applaudi."

    Voici. Nous assistons à un renversement du sens général de la situation. À nous d'en tenir compte. Dans le cadre de ce bouleversement de la donne, il devient possible de reprendre la discussion avec certains anciens représentants du Groupe de contact qui en manifestent le désir, car ce dernier se trouve soumis à de vives tensions internes face à l'événement.

    Plusieurs représentants des forces fédérées au Groupe de contact commencent en effet à comprendre, confrontés à la réalité, qu’ils faisaient fausse route. Puisque les voici revenus à de meilleures dispositions nous appelons de nos võux l’ouverture de discussions sérieuses entre psychothérapeutes relationnels et associations de psychanalyse. Conformément à notre premier appel du haut de la tribune de notre Colloque historique à l'Assemblée nationale en 2000, nous tendons la main sans exclusive à tous les psys qui se montreront favorables à l'ouverture de pourparlers en vue de la réunification et d'une juste articulation des différents protagonistes du Carré psy.

    De même que les inadmissibles dispositions cléry-melinesques, il faut abandonner la rédaction de décrets d’application inécrivables puisque soumis à une contradiction interne du texte de la loi.

    Vous vous souvenez que la loi parle d'abord d'inscrits de droit — i.e. n'ayant pas à remplir de conditions autres que celle de détenir un titre (titulaires d'un diplôme en médecine, psychologues, psychanalystes listés dans leurs annuaires) —, pour, dans un paragraphe suivant, soumettre les mêmes personnes à des conditions spécifiques de formation, en contradiction avec la notion précédente d'inscription de droit (cette fois, soumis à des conditions autres, instituant une évaluation supplémentaire, voici qu'ils ne sont plus inscrits de droit).

    Tant et si bien qu'il convient maintenant d'arrêter d’aller chez M. Basset (1) chargé de cet impossible exercice. Il semble d’après nos informations que les décrets d’application ne seront pas écrits. Bref, on a progressé, et d'après ce que nous entrevoyons il s'agit maintenant de reprendre à zéro les négociations, non de définir un titre posé de guingois. Le Ministère a visiblement conscience qu’il faut sérieusement, en prenant en compte les psychanalystes et les psychothérapeutes relationnels, repenser tout le champ, l'organisation générale du Carré psy.

    Organisation dans le cadre de laquelle il faudra nécessairement penser aussi à un plan pour l’université, ce qui implique l'articulation entre Santé, Éducation nationale et Recherche. Ceci conduira à réfléchir aux relations de reconnaissance mutuelle et de coopération respectueuse de la personnalité scientifique, épistémologique, méthodologique et éthique de chaque partenaire, entre les psychothérapies relationnelles et leurs écoles agréées, et l’université. Dans ce domaine nous maintiendrons notre politique qui est de développer notre bonne relation avec les universitaires et particulièrement avec Roland Gori, interlocuteur que son prestige et sa compétence rendent incontournable.

    Étant bien entendu par ailleurs que le SNPPsy reste plus que jamais déterminé sur le principe de la reconnaissance par les pairs, d'inspiration rigoureusement non universitaire, car il est impensable à nos yeux qu'un psychothérapeute relationnel soit identifiable comme tel au seul vu d'un diplôme, même délivré par nos écoles.

    Et maintenant, que va-t-il se passer ? nous attendons l’annonce par Monsieur Douste-Blazy de son plan de Santé mentale avant le Forum. Il sera certainement inspiré du plan Cléry-Melin, transformant totalement le champ psychiatrique français vraisemblablement selon une philosophie inadmissible pour la psychothérapie relationnelle et la psychanalyse.

    On le sait, l’orientation biologique ne permet plus la prise en charge et le suivi des malades mentaux par les diverses thérapies par la parole, le projet étant de transférer ce secteur, dans des conditions qu'il va falloir examiner soigneusement avec nos collègues psychologues, à la psychologie. Nous soutenons que la question doit être réouverte en concertation avec les quatre partenaires sans exclusive envers les organisations représentatives de la psychothérapie relationnelle. On peut augurer que la nouvelle donne risque de nous donner encore l'occasion de beaucoup nous dépenser.

    De toute façon, la santé, le soin pris de soi et le malaise ont besoin de se trouver articulés selon de nouvelles lignes de force, et Jacques-Alain Miller nous assure que là-dessus Monsieur Douste-Blazy nous tiendra des propos de nature à nous rassurer quelque peu.

    Pour conclure, se présente à l’évidence au Ministère de la Santé une volonté de dialogue qui n’existait pas sous le précédent Ministère. Inutile donc désormais d’aller débattre chez M. Basset. La négociation se déroule à un niveau supérieur, comme le montrent bien les récents événements. On constate un certain optimisme. La reprise des négociations devient possible. Plus que jamais, avec nos alliés, nous militerons pour nos cinq points, pour que le dialogue entre la psychothérapie relationnelle et la psychanalyse soit fécond et productif des formes institutionnelles adaptées aux besoins et désirs des citoyens-sujets, pour que soit justement prise en compte dans notre société la conduite du souci de soi par les méthodes qu'elles définissent.

 

(1) Rencontré au Ministère, mais relevant de la très Inserm Délégation générale de la santé.  

 

03/02/2005
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