Chaque visage est le Sinaï d'où procède la voix qui interdit le meurtre - Lévinas

Un crime

De l’erreur à la faute et de la faute au crime

Un crime?

Un acte serait – ou deviendrait – criminel à partir du moment où son auteur, tendant à dissimuler l’infraction que son acte symbolise, pour avoir enfreint la loi en toute conscience, se déguiserait pour échapper à celle-ci,

« Faute très grave contre la morale », « Infraction que les lois punissent d'une peine afflictive et infamante, telles la peine de mort, la réclusion et la détention à perpétuité, le bannissement », selon les dictionnaires, les crimes lèsent bien sûr les victimes et leur famille. Qui souhaiterait être victime d’un crime ? Mais ils lèsent aussi les familles de ceux qui les ont commis en les entâchant de mauvaise réputation .

Un crime compromet qui s’en est rendu coupable, mais il compromet par de multiples dépdendances tout ce qui lui est rattaché… Entourage et descendance, quand le crime n’a pas été porté à la conscience, se sentent liés, comme dans une tacite complicité, à un acte tenu dissimulé.

 

La culpabilité réelle s’immisce dans chacun des gestes du criminel pour se rappeler à lui, et se diffuse, inexplicable en un sentiment incommodant.

Il n’est qu’à voir les films d’Hitchock, pour voir à quel point l’entourage du criminel est « con-cerné » par sa conduite, autrement dit, selon l’étymologie, « mêlé avec ». Homme ordinaire, toujours nanti d’une double personnalité, parfois chamant et charmeur, comme dans « L’ombre d’un doute »[1], le criminel propage un effet de distorsion du réel et soumet ses proches à d’invisibles tortures. À lui de réparer son crime. Mais celui-ci aussi longtemps qu’il n’a pas été « lavé » n’autorise qu’à reproduire… de la culpabiité et éventuellement du crime comme pour la justifier à postériori. Comme s’il fallait que le crime soit « énoncé » pour pouvoir s’en démarquer et commencer à s’en libérer. .

 

Le crime étouffé compromet qui lui est associé aussi longtemps qu’il ne s’en est pas dé-solidarisé. Aussi longtemps qu’il fait corps avec lui.

 

C’est pourquoi la complicité, même la plus tendre, est intenable. Qu’elle soit consciente ou inconsciente. Qui ne dit rien consent… non que l’on choisisse de consentir par son silence, mais à travers son silence on accepte l’héritage de ce qui a enfreint l’essentielle loi, et porté atteinte à la vie. Dans « l’ombre d’un doute » la jeune fille fascinée par son oncle, qu’elle idolâtre depuis l’enfance et dont elle porte le prénom, a pris sur elle de débusquer la vérité (monstrueuse) sous le masque de l’homme respecté et aimé de ceux qui le connaissent. Acte de courage qui l’émancipe de son ainé à qui elle vouait jusque là affection et admiration infinies.

 

Forcer à avaler un met qui dégoûte, contraindre à une action qui répugne, soudoyer, exercer de façon équivoque des pressions illicites…Faire d’un sujet son objet en le contraignant à accepter de l’inacceptable … Tout ce qui pénètre par effraction dans l’intimité de l’autre pourrait à divers degrés être considéré comme « crime » car portant atteinte à la vie, contre les lois de la vie.

 

Nommer ce qui fait crime, en faire admettre la nocivité humaine et sociale, aide à se libérer des dépendances douloureuses qu’il induit : il ne s’agit ici ni d’invitation à la confession ni d’aveu sous la torture, mais d’autoriser, en l’inaugurant, un « travail » de réparation. L’abandon d’un enfant est considéré et ressenti de part et d’autre comme un crime… et ses effets peuvent se faire ressentir à travers les générations…

 

Qu’en est-il de la descendance… ? 

 

Il est douloureux d’être le descendant d’un « criminel » - de celui qui se ressent ou est condidéré ainsi…. Il est peut-être plus douloureux de l’ignorer… Car le criminel transmet une culpabilité d’autant plus lourde à porter qu’elle est vécue comme incompréhensible car « injustifiée »…

 

La culpabilité est le poison qui maintient dans la dépendance.

 

Le soutient psychanalytique, visant à rendre sa liberté et sa responsabilité au sujet, encourage à rendre manifeste, ce qui, latent, inaccessible, enfoui, balbutiant en nous, se rend indéchiffrable tout en se faisant entendre contre notre gré ou à notre insu de façon douloureuse, pénible, désagréable. Tout ce qui, au détriment de la vie, sous l’emprise inquiiétante d’un sentiment d’abandon exacerbé,  insuffle à notre conduite une connotation « distordue », pour soi comme pour l’autre, peu acceptable. Et de rentrer en possession de ce qui rend l’amour possible.

 

Rendre lisible ce qui était illisible. Dicible ce qui était indicible. Avouable ce qui était honteux… Prendre le droit de l’oublier, quand auparavant il ne faisait que s’imposer tel l’importun indésirable qui refuserait de dire qui il est, et pourquoi il vient nous importuner. Autrement dit ne pas céder à la tentation de la fatalité qui rendrait incontournable de sinistres répétitions.

 

Virginie Megglé

Juillet  2004

 

[1] Shadow of a doubt - US 1942

 

Errare humanum est

Une faute

Sentiment d'abandon et séparation

Le plaisir

Le succès

La confiance

16/12/2004
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