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La pratique en institution
Conversation avec Véronique Mariage
La pratique avec les enfants psychotiques en institution
La pratique avec les enfants psychotiques en institution a toujours beaucoup compté pour toi. Comment la décrirais-tu ? C’est une formation, un travail, une passion ?
C’est un peu tout cela à la fois : une formation indispensable qui peut ensuite être un appui pour autre chose, un travail puisqu’il faut bien vivre… Une passion ? Le mot est un peu fort. Comme je l’ai déjà expliqué dans certains de mes exposés d’AE, j’ai toujours été solidaire des réprouvés, des exclus, des déclassés, bref des décrochés du père. Ce fut surtout vrai par rapport au système scolaire que je détestais. Solidaire est du reste un mot faible puisque le sort de ces enfants me concernait jusqu’au tourment. C’est ainsi qu’à une certaine époque, je pouvais leur consacrer bien plus que mon temps de travail en faisant d’eux mon tracas dès que je quittais l’institution. Je ne pouvais les oublier…
En somme, quitter le Courtil te rendait malade ! (Rires) Ce n’est pas très courant…
Non, c’est le contraire, ça m’évitait de tomber malade. On peut le dire comme ça en y mettant quand même un bémol : ce n’est pas l’institution qui m’intéresse mais plutôt la psychose. Cela dit, cette « passion » a, fort heureusement pour tout le monde, trouvé ses limites…
Comment cela ?
Elle a considérablement changé tout en restant la même. Je crois surtout être devenue beaucoup plus souple… C’est que j’ai pu être insupportable en faisant de l’enfant psychotique un signifiant maître exigeant tous les sacrifices. Je ne tolérais pas que l’on puisse compter ses efforts, son temps… Ce dévouement était bien sûr une position grandement imprégnée du catholicisme dont je provenais — mon éducation, ma formation en sciences religieuses — celle de faire le sacrifice de son corps pour sauver l’Autre. Mais attention, n’allez pas croire pour autant que j’en ai été folle. Toute catholique que j’ai pu être, les Pieta ruisselantes m’ont toujours dégoûtées… Je n’avais pas la monomanie de l’enfant déchet mais tout aussi bien le souci de l’enfant agalma prisonnier du fantasme maternel. Ces deux positions dans lesquelles l’enfant est laissé en plan, forclos m’étaient également intolérables. Ce qui est très important, c’est que je ne rêvais pas de trouver ou d’incarner pour eux une bonne mère quelconque, ce qui est une voie ravageante et sans issue, mais à les raccrocher au père. Tentative aussi vaine que passionnée motivée par l’infrangible fidélité au père qui fut ma grande passion. Maintenant je peux la nuancer et dire qu’il y a lieu plutôt d’inventer avec le psychotique quelque chose remplaçant le père qu’il n’a pas eu.
Disons que ma pratique avec l’enfant fou s’est trouvée tempérée grâce à l’analyse, la « passion » se muant en désir. Elle reste importante mais s’est émancipée de tout impératif surmoïque. Je pourrais dire aussi que l’institution a localisé mon intérêt pour la folie. Je m’aperçois que cette part de ma pratique se passe surtout au Courtil et que j’ai peu d’analysants psychotiques chez moi. Par contre, mes exposés cliniques, peu marqués par le théorico-conceptuel, ont eu le plus souvent le Courtil pour cadre ! Cela pourrait changer…
Que dirais-tu aujourd’hui du désir de l’analyste avec ces enfants ?
Pour que quelque chose puisse se passer un jour, c’est-à-dire qu’un sujet puisse advenir là où il n’y avait qu’un enfant objet, réel pétrifié, je veille avant toute chose à essayer d’entrer dans leur vie quotidienne. C’est à chaque fois la première question que je me pose dans la rencontre avec un de ces enfants : comment participer à leur monde sans y faire brutalement intrusion ? C’est sans doute ma façon de poser ce qu’on appelle couramment un cadre, à ceci près qu’il ne vise pas directement l’enfant mais d’abord le clinicien. C’est lui, en effet, qui doit se régler sur le discours de l’enfant et pour cela se discipliner voire se surveiller s’il veut avoir une chance de nouer un lien avec l’enfant fou. Autrement dit, que quelque chose du Courtil entre dans leur vie est un signe que le travail a commencé.
Tu proposes donc de prendre le titre de nos prochaines journées du RI3, « Entrer en institution, modalités subjectives, accueils différenciés », à l’envers ! Ce n’est pas tant l’enfant qui entre dans l’institution mais au contraire celle-ci qui doit sans cesse se régler pour trouver le moyen d’intégrer son univers ?
Exactement ! Je soutiendrais même que le « partage de la vie quotidienne » avec eux est mutatis mutandis un équivalent de notre association libre. Association qui comme on sait est très peu libre d’obéir à une contrainte d’ordre supérieur, celle de l’inconscient qui est le véritable discours du maître. Si cette contrainte concerne tout autant l’analyste que l’analysant, elle vaut aussi et surtout dans la psychose…
Entrer dans la vie quotidienne de l’enfant fou. C’est une formule heureuse qui serait encore plus parlante avec un exemple…
Pour éviter de mettre encore et toujours ces enfants en place d’objet, nous accordons beaucoup d’importance au Courtil à ce qu’on appelle les ateliers dont l’ambition est tout aussi élevée que modeste puisqu’il s’agit d’arriver à diriger notre désir ailleurs que sur eux. Récemment l’on m’a rapporté l’anecdote suivante très révélatrice. C’est une jeune schizophrène qui va entrer au Courtil prochainement. Le tableau clinique est grave, partagé entre violences et automutilations. Il justifie à lui seul un placement en institution si pas en hôpital mais ce qui nous a décidé à l’accueillir est pourtant tout autre chose. Dès ses premières visites, elle s’est arrêtée devant ce qu’elle fut en outre la première à remarquer : la présence dans les arbres de notre jardin de très nombreux nids d’oiseau. Détail ténu sans doute mais important quand on sait qu’elle vit chez elle entourée d’une véritable ménagerie… Autrement dit, nous faisons le pari d’essayer de nouer avec elle une relation nouvelle, fondée non pas sur « l’objectivité » des phénomènes pathologiques dont elle ne peut pas dire grand-chose et qui obnubilent déjà un grand nombre d’intervenants sociaux et de psys mais sur ce qu’elle a inventé dans le quotidien — et dont actuellement nous ignorons encore tout — pour rendre sa vie supportable. Cela implique pour nous d’admettre que pendant un certain temps il puisse ne rien se passer sinon parfois un certain apaisement de la jouissance, ce qui n’est déjà pas négligeable… Ce qui importe surtout, c’est que tout ceci permette à autre chose d’émerger, un savoir nouveau avec lequel le sujet puisse enfin se construire.
Propos recueillis par Véronique Cornet et Philippe Hellebois
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