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Identités à la dérive Édito
Identités à la dérive
Édito
"Chacun de nous possède une seconde patrie dans laquelle tout ce qu'il fait est innocent"
Robert Musil, "L'homme sans qualités"
Que s'est-il passé, qu'est-il arrivé à notre monde, à notre perception du monde, pour que nous ayons pour la plupart oublié, voire dénigré, nos secondes patries dont parle si bellement Robert Musil ?
Il n'y a pas si longtemps, souvenons-nous : ce qui nous tenait lieu d'identité se revendiquait d'un vigoureux universalisme, souvent doublé et précisé par un non moins vigoureux internationalisme. Souvenons-nous, c'est très près de nous, comme si c'était hier.
Certes, tout cela fut ambigu et, en Occident, inlassablement conquérant. Si tous proclamaient l'unité du genre humain, c'était avec des degrés… On a revendiqué, fût-ce à coups de canon, maîtrise et guidance des parties de l'humanité géographiquement et anthropologiquement les plus éloignées de "La civilisation" comme on disait alors, avec un simple et sot bon sens et une non moins abrupte naïveté.
Comme si la moitié du monde avait attendu l'Occident pour accéder à l'humanité.
Mais il y avait tout de même, acharné, chevillé à l'esprit, cet actif et fervent espoir d'une commune humanité, d'une communauté d'humanité, à naître incessamment.
Après deux guerres mondiales ; après le génocide nazi, séminal, et les autres massacres de masse qui l'ont suivi dans le monde ; après avoir éprouvé et comme épuisé les pompes et les œuvres des totalitarismes ; après avoir pris conscience de l'asthénie de la planète comme écosystème global, nous croyons aujourd'hui avoir enfin compris "l'égale dignité des cultures". Et, partant, l'égale humanité en chacun, même si nous découvrons aussi chaque jour, ici comme ailleurs, l'égale potentialité d'inhumanité en chacun.
Mais voilà ! Alors donc que la voie aurait du être ouverte à la mutualisation de l'humain, à l'égalité en œuvre, surgit une problématisation inattendue. Elle révoque en doute de façon radicale et menace de ruiner toute la raison des batailles – car ce furent de réelles batailles, politiques, idéologiques, intellectuelles – menées depuis les Lumières jusqu'à 1989, en vue d'établir simultanément la liberté de la personne et l'autonomie des sociétés.
Il nous semble que cette problématisation tourne en grande partie autour de la notion d'identité, élaboration personnelle ou collective, physique ou idéelle et représentationnelle.
Il y a là comme un paradoxe : cette notion, au nom de laquelle s'élèvent aussi drapeaux, exclusions et tueries, s'effrite à l'analyse et se décline sur des modes éminemment multiples, confus et obscurs jusqu'à l'évanescence.
Et pourtant… Ses effets historiques, sur le registre de la mise en ordre de soi et du monde ou sur celui du ravage, sont eux bien concrets, et singulièrement dans l'histoire contemporaine.
Guerres entre identités, rêvées mais très réelles quant aux massacres et au cynisme politique qu'elles nourrissent – ces guerres qui ne se déclarent plus aujourd'hui et ne disent plus leur nom ; réviviscence des intégrismes religieux partout et sous toutes obédiences confessionnelles ; éclosion de terrorismes dont on remarque, en même temps que l'effrayante férocité, l'inflation de logorrhées revendiquant de verbeuses identités ; incompréhensions et déshérences massives au cœur même de l'Occident nanti, qui ont récemment produit dans nos villes ces violences proprement sidérantes ; incantations ou révocations de communautarismes divers ; effréné "souci de soi" dans un contexte, local et global, où les cultures de l'affirmation et du conflit marquent la dévalorisation des cultures du débat et de la réflexion : tous ces éléments se réunissent comme en faisceau autour de cette notion d'identité, rendue obsédante dans la sphère privée comme dans la sphère publique, devenues difficilement discernables.
Ce programme de conférences veut donc quitter la sidération pour tenter une analyse de ce problème, des analyses plutôt.
Dans cette première partie on tentera, d'une part, d'éclairer les signification sociales et historiques de cette notion. Les questions de l'immigration et de l'intégration, les réponses auxquelles elles donnent lieu de la part de la société française seront évoquées de façon précise, en même temps que des questions trop souvent évacuées "en vrac" sous les termes de communautés et communautarisme. On recherchera également à faire la part de la quête identitaire dans les grands clivages de la représentation politique du monde contemporain et de l'histoire qui l'a générée.
On tentera d'autre part d'établir le socle anthropologique et philosophique de cette notion d'identité. Qu'il s'agisse de l'invention de l'individu moderne, du corps même et de son histoire intime autant qu'extime, de la fabrique du racisme et de l'autre quasi métaphysique sans l'extermination duquel on craint de ne plus exister. Qu'il s'agisse enfin, au plus fondamental, de la partition même entre humanité et nature, entre culture et nature.
La saison prochaine, une seconde partie de ce programme portera, entre autres, sur les effets internationaux et géopolitiques de cette notion. Avec, hélas ! leur accompagnement de guerres, de violences civiles et d'exterminations, mais aussi une exploration des pistes possibles pour briser le lien qui unit, dans toute l'histoire des hommes et des groupes, identité et barbarie.
On aura peut-être gagné quelque chose si ce programme aide à mettre en critique le couple conceptuel identité / altérité pour envisager les implications d'une alliance d'un autre ordre et sans doute moins productrice d'exclusion et de peurs, celle d'identité / complexité.
Spyros Théodorou
Ce programme doit beaucoup à une conversation éclairante avec Marcel Detienne, qui nous a conseillé avec générosité ; qu'il en soit ici chaleureusement remercié. Son intitulé renvoie, et non par hasard, au roman de Stratis Tsirkas : "Cités à la dérive".
Identité à la dérive Programme
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