Chaque visage est le Sinaï d'où procède la voix qui interdit le meurtre - Lévinas

Errare humanum est

De l’erreur à la faute


« La pensée progresse à coups d'erreurs corrigées; la science procède de même ; il n'y a pas de vérités premières, mais seulement des erreurs premières»

Bachelard


«Toute chose est vraie jusqu'à un certain point»

Hegel

 

 

Errer, erreur, errance, errement… Le plus souvent on erre lorsque l’on se sent exilé…et l’exil est au figuré le propre de celui-ci qui se sent abandonné…

 

Aller sans but précis , frôler la faute, l’éviter de justesse, réussir à n’en faire qu’une minime après avoir entrevue les conséquences d’une énorme… Errare humanum est… errer est humain.

 

L’errance produit des actes involontaires, indifférents à ce qui est juste ou ne l’est pas. Lorsque le jugement s’égare… par erreur,  il se trompe d’objet ou de propriété. Par esprit de présomption ou fatigue, dépit ou défi, nous avons tous fait des erreurs de parcours, de jugement… On s'égard, on l’admet, cela s’avoue sans gravité et les conséquences pour la plupart sont sans effets. Je me suis trompée, j’ai pris un pain alors que c’est une baguette qui m’était demandée. Le libraire m’a donné de l’encre bleue, je lui avais demandé de la noire… il est vrai que je n’ai pas vérifié…

 

L’erreur peut porter aussi sur l’ignorance, la détermination d’apprendre suffit alors à la combler, à réparer gêne, trouble, maladresse engendrés. Subtiliser briquet ou stylo persuadé que c’est le sien - acte manqué sans doute  d’autant moins coupable chez celui qui est prompt à le réparer!

 

Obstacle du parcours initiatique, l’erreur permet à la vérité de sortir. Le droit à l’erreur disculpe quand un tiers jaloux est prompt à condamner. 

 

Les obstacles soumis à nos sens, à notre réflexion, posent des problèmes dont la résolution améliore l’humaine avancée.

 

Animé, à priori, du désir de réussir, on n’a pas la volonté (consciente) de vivre et de persévérer dans l’erreur. Précipitation ou préjugés en sont souvent la cause apparente. Tiraillé entre éducation et morale d’un côté et nos passions de l’autre, nous frayons notre chemin malgré les erreurs,  avec les erreurs… Sachant que nous sommes régis par certains déterminismes, nous remédions à leurs effets parasites par la pratique de la meilleure hygiène [1] de vie possible. Un esprit critique, lié à une volonté de vivre en harmonie avec soi comme avec l’univers (le milieu environnant), aident à poser et résoudre les problèmes qu’elles portent à la conscience

 

Apparente déviation, l’erreur, à laquelle nous nous heurtons, encourage l’avancée par sa résolution.

 

Et certains de nos entêtements (dans l’erreur) tendent à (bien) le prouver : elle contient toujours un germe de vérité féconde qui avait besoin de s’affirmer.

 

Qui n’a pas eu cette intime conviction face à une erreur qui lui était reprochée qu’il avait pourtant raison ? L’erreur est individuelle, la corriger en fonction des critères de la collectivité est important pour la qualité des relations, mais l’entendre à un niveau personnel comme une clef pour une meilleure connaissance de soi, (celle-ci permettant une melleure participation à l’ensemble) est rarement vain.

 

De certaines erreurs, on peut se dire «  ce n’est pas pour rien qu’on l’a faite » « ça ne veut pas rien dire ». C’est en cela que Freud a pu penser les « actes manqués » comme « des actes réussis » qui disaient bien ce qu’ils voulaient dire, et qui surgissaient bien là où ils surgissaient, pour nous faire dire et faire entendre ce que nous aspirions (dans notre inconscient) à dé-couvrir tout en craignant comme de petits enfants, fragiles, de le découvrir… Ce que nous connaissions tout en l’ignorant. Ce qui entravait, à notre insu, notre développement et nécessitait d’être entendu afin que nous en soyons libéré. On doit savoir écouter ses erreurs et résister à ceux qui nous les reprochent ou nous les interdisent avec trop de virulence si nous ne voulons pas être condamné à mourir-  faute de pouvoir être soi - par étouffement pour avoir du refouler ce dont la vie, pour s’exprimer, avait besoin d’être dégagée…

 

Et pourtant elle tourne !!!!

 

Galilée fut condamné à mort pour une erreur…qu’il n’avait pas faite. Doit-on voir en cette condamnation une de ces « erreurs judiciaires » qui entraînent la condamnation d’innocent ? Doit-on les entendre alors comme des actes manqués collectifs, quand dans le même geste elles dénoncent une faute là où elle n’a pas lieu d’être et l’ignore là où elle est commise ? Amorçant un sentiment de culpabilité chez l’innocent et ignorant la culpabilité de celui qui se rend coupable... Le premier étant aussi ravageur que le second bien que contrairement à celui-ci, il ne soit pas fondé… 

 

Errare humanum est, sed perveverare diabolicum… Persévérer serait diabolique, nous divisant, nous déchirant entre le « soi public » et le « soi intime » au lieu de nous rassembler comme le propose toute recherche de solution en quête de rassérénante vérité.

 

C’est commise en toute conscience, avec la complicité d’un tiers symbolique ou contre lui, et non par errance, que l’erreur deviendrait une faute.

 

Virginie  Megglé

Juillet 2004

 

[1] Du grec hygieinon : qui concerne la santé. L’hygiène vise à préserver ou améliorer la santé.

 

Une faute

Un crime

Sentiment d'abandon et séparation

Le plaisir

16/12/2004
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