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Archives... etc 2005 la suite

Archives, etc 2005 suite



Archives... etc, c'est-à-dire de nombreux articles et autres propos, en relation avec la psychanalyse. Ils rendent compte de son actualité et des réflexions qu'elle soulèvent, comme des mouvements qui la traversent, des humeurs qui l'agitent...

Ils ont retenu notre attention au hasard du fil de nos lectures. Et nous les proposons en lecture sans aucun dessein d'exaustivité.

Faire-part ou invitation au partage... n'hésitez pas à nous communiquer vos étonnements, vos interrogations, vos surprises et autres réactions...

Ou bien à nous signaler quelques propros rendus publics qui vous sembleraient... disons... dignes d'attention!

Il n'est pas impossible qu'un article se retrouve en double...

Sautez-le, passez au suivant, ou ... prenez le temps de le relire....

A quoi bon nous en tenir rigueur... ?

L'ordre de présentation correspond à celui de nos lectures.... c'est pourquoi il semble ne respecter parfois aucune chronologie ...

L'ensemble de ces articles peut permettre, nous semble-t-il, à tout un chacun de se faire une idée de la spécificité de la psychanalyse, de la richesse de son apport. De ses limites aussi. Ou de ses risques? Et pourquoi pas, des dissensions et autres travers qui animent certains psychanalystes.

Autrement dit, cette lecture peut être envisagée comme un reflet de ce que la psychanalyse est susceptible d'apporter... à chacun ... sans pouvoir le garantir.

Et puis... ces articles, à titre d'information préventive, peuvent être abordés comme autant d'éléments d'une protection au moins aussi valable que celle proposée par l'auteur d'un texte de loi qui nous semble, mais pourquoi pas, opportuniste... et non garant véritable de quoi que ce soit...

A chacun de le dire, de le vivre, de le lire, de l'écrire, de le ressentir.





Juin 2005

Jean-François Chiantaretto, psychanalyste et psychologue-clinicien
"Pour Anne Frank, une nécessité poussée à l'extrême"
Dans les pages du Monde du 7 juin 2005

Vous animez depuis 1992 un groupe de recherche sur le thème "Littérature personnelle et psychanalyse" . Pourquoi cet intérêt pour les écritures de soi ?


D'abord parce que Freud écrit la psychanalyse à la première personne ! L'Interprétation des rêves, par exemple, est truffée de ses propres songes, et tous ses textes sont une sorte d'autoprésentation de lui-même. Etudier Freud, c'est donc déjà se pencher sur l'écriture de soi.
Par ailleurs, je me suis toujours intéressé au problème de la représentation de soi, au besoin relationnel du regard de l'autre. Et aussi à cette question à laquelle l'analyste est confronté quotidiennement : en quoi le travail de la pensée suppose-t-il l'écriture ? Car, d'une certaine manière, nous faisons la même chose avec nos patients : nous les aidons à se "voir" penser. Il y a donc un lien très intime, très concurrent, entre l'écriture de soi et le travail analytique.

Parmi les différentes formes d'écriture de soi, quelle est la spécificité du journal intime ?
Le journal intime, avant tout, suppose de faire l'expérience de la non-coïncidence avec soi-même. Quand on écrit une autobiographie, on le fait dans le présent : la version de moi-même que je rédige est une, indivisible et définitive. Quand on écrit un journal, c'est exactement l'inverse : on écrit un jour, puis un autre jour, et l'on est ainsi obligatoirement mené à faire l'expérience que l'on ne cesse de changer, que celui qui est en train d'écrire n'est plus celui qui écrivait hier, ou il y a un mois. L'activité d'écriture d'un journal expose à la déconstruction, au changement, à la perte, à la mort. En ce sens, c'est la forme d'écriture de soi la plus proche de l'expérience analytique.


Tenir un journal intime peut donc constituer une forme de thérapie ?
Sûrement, à cette réserve près qu'il y a entre ces deux expériences un écart irréductible : la présence de l'autre. Même s'il est particulièrement silencieux, l'analyste est présent psychiquement. Il y a donc là une interaction qui n'existe pas avec le journal intime. Mais celui-ci rejoint le principe analytique dans la mesure où on l'écrit toujours dans une adresse à l'autre, mais en son absence.

Même si le journal est fait pour ne pas être lu, il met en effet en scène des destinataires, une sorte de point de vue extérieur à soi, un regard de l'autre. Je nomme cet autre le "témoin interne" parce qu'il est une représentation du semblable en soi-même. La suite, en quelque sorte, du "compagnon imaginaire" de l'enfant, ce spectateur intérieur de ses jeux. Le journal tient lieu de quelqu'un, mais en même temps oblige à faire l'expérience de l'absence : c'est en cela qu'il peut être thérapeutique.

Dans votre dernier livre, dont le titre est précisément Le Témoin interne, vous citez le journal d'Anne Frank comme exemplaire de ce qui s'y joue au moment de la crise pubertaire...

A l'origine de l'écriture d'un journal, il y a toujours un décentrement, quelque chose dans la manière de se voir qui ne va plus. Il y a aussi le besoin de disposer d'un espace secret. Le journal de l'adolescence reflète tout cela. Et il s'imposera d'autant plus que la situation sera tourmentée, ou que le secret sera difficile à conquérir, notamment dans la relation avec les parents.
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Razzia sur la Psy
Dans Charlie Hebdo , sous la plume de Philippe Lançon
Dans les page du magazine de Février 2004 mais recueilli aujourd'hui seulement....

Comment le psychanalyste Jacques-Alain Miller utilise l’amendement Accoyer pour affirmer son pouvoir sur un milieu qui n’en veut pas.
Mettre de l’ordre dans les pratiques psychothérapeutiques et analytiques qui peut le faire ? Comment ? Et pour obtenir quoi ? Quand il a déposé son amendement sur la question, le pauvre député de Savoie Bernard Accoyer (UMP) semblait avoir sa réponse, pleine d’un bon sens taillé à la brosse, mais il ne s’était visiblement pas posé les questions. Quand on entre en analyse, on entre en dissidence. On cherche un ordre qui n’existe pas. On voyage en soi avec quelqu’un, avec des fantômes, sur coquille de noix. On ignore ce qu’il y a au bout, si même il y a un bout. D’ailleurs, en général, on n’y arrivera pas. Qui tient la barre ? Ce n’est pas plus clair. Le contrôle est une ancre flottante. Il bouge avec les courants, les marées, les tempêtes, les dérives. Il y a des charlatans. Mais il n’est pas désagréable de sentir qu’ici, au moins, on vogue à ses risques et périls. Ni flics, ni lois, ni normes, ni droits du consommateur : l’analyse et la thérapie, c’est un peu le Far West.
Difficile d’organiser, de légiférer, de prévoir et d’assurer tout ça :?Cette somme d’expériences et d’ignorances obstinément individuelles. Difficile de contrôler les compétences du copilote agréé. Il peut avoir tous les diplômes et ne rien valoir ; il peut en avoir moins et être excellent. Difficile de poser une grille et une toge dessus, d’autant plus que les associations de pilotes ne cessent de se chamailler depuis Freud-Le-Père, comme dans Astérix et la Zizanie. La figure verte de la discorde est partout. L’autonomie est une jalousie. L’autorité et la légitimité coulent en permanence hors de la main, qu’elle soit, s’évaporant dans les chaleurs des exégèses armées et des cabinets clos. Accoyer n’imaginait pas dans quel guêpier anarchique et sauvage, quel nid de dissidences en chaîne, il avait posé ses grolles à crampons.?Il ignorait enfin qu’il trouverait devant lui, instrumentalisant à merveille son maladroit projet pour tenter de capter le pouvoir symbolique au sein du milieu, un formidable « dictateur » à l’hystérie froide et à l’intelligence d’exception : le psychanalyste Jacques-Alain Miller, soixante ans le 14 février 2004.
Ancien élève de l’Ecole normale supérieure et ex-maoïste, Jacques-Alain Miller est le gendre de Jacques Lacan et l’exécuteur testamentaire de ses œuvres. Il est le frère de Gérard, universitaire, psychanalyste et précieux parfois non ridicule de la bande à Laurent Ruquier. IL est également fondateur de l’Association mondiale de psychanalyse et gourou de l’Ecole de la cause freudienne. La presse affirme qu’on l’appelle JAM. Qui ça ? les siens. Montées en bouquet publicitaire, les initiales d’un nom à rallonge annoncent ou résument une notoriété naissante, et parfois un pouvoir. L’homme devient une entreprise (MAC), un produit (SMC) ou une chaîne audiovisuelle (LCI) à lui seul.JAM, c’est un peu comme FOG (Franz-Olivier Giesbert, chez qui il est d’ailleurs passé et où il a braillé) ou MOF (Marc-Olivier Fogiel, chez qui il passera peut-être, pour y brailler sans doute) : un logo, ce bref acrostiche de l’ambition.

Pendant trente ans, Jacques-Alain Miller n’a fait du bruit qu’à l’intérieur du milieu analytique et, dans certaines limites, intellectuel. Par ses oukases intrinsèques, sa raideur sectaire, son intelligence et son énergie de sorcier tenant ses pouvoirs du maître, il a exaspéré ou exclu les uns, fasciné ou enrégimenté les autres. Il a quand même fini par s’isoler, avec un gros noyau de fidèles, au sein d’une profession qui épousait son temps et ne voulait sans doute plus des totems d’estrade et des vérités exagérément meurtrières. Lui-même résume fort bien sa nostalgie dans Libération, en évoquant le 13 avril 2001 la figure de son beau-père : « Le surmoi n’est plus ce qu’il était ! C’est maintenant : à chacun sa volupté ! Et aussi : à chacun sa vérité. Et en sus le marché pour tous. Chacun a droit à ses petites croyances tant qu’elles ne gênent pas les autres, des hobbies, alors que la vérité, c’est ce qui vaudrait qu’on dérange les autres. »?

Ce petit bricolage démocratique et ce minimalisme psychologique ne pouvait qu’exaspérer un être comme Miller, dogmatique élitiste encore tout frémissant des ferveurs de l’avant-gardisme intellectuel et politique ; personnage tout sauf tolérant et « sympa ». Ils l’exaspèrent d’autant plus qu’ils se répandent effectivement dans les pratiques psychothérapeutiques. Pire : l’image de l’analyste devient, auprès du grand public, et en partie à cause des médias, celle d’un mol auxiliaire de contrôle social. Stupeur ! Horreur ! L’isolement, l’exaspération et une indécrottable volonté de puissance : tout était en place pour que Miller déclenchât sa campagne de France.
Elle débute en septembre 2001, par une affaire apparemment secondaire : la Revue française de psychanalyse, où l’Ecole de la cause freudienne a été attaquée sur la formation de ses cadres, lui refuse un droit de réponse. Miller décide de répondre autrement : il publie une sorte de samizdat de luxe, Lettre à l’opinion éclairée, distribuée à une élite stratégiquement choisie et disponible dans les meilleures librairies, où il lui arrive d’en faire lecture auprès de vieux compagnons de génération, comme Sollers. On murmure, on en cause, la rumeur enfle. D’autres lettres suivent, comme autant de petites et pascaliennes provinciales, où l’auteur s’en prend aux jésuites de la psychanalyse et multiplie, à force de références et de virtuosité, les images de lui-même. Ces lettres ne sont pas que des exercices de séduction. Elles annoncent le programme : prendre le pouvoir et remettre de l’ordre – son ordre- dans un métier (devrait-on dire : un sacerdoce ?) en déconfiture. Il finit par les réunir en livre. Le moment de l’action publique est venu. Miller redevient ce qu’il n’a jamais cessé d’être : un féroce distributeur de vérité.
Dans cette entrée en scène, les amateurs de Mao Zedong auront reconnu l’ombre de la technique par laquelle le Grand Timonier, minoritaire et isolé, ouvre le feu de la Révolution culturelle : le 10 novembre 1965, le quotidien de Shanghai Wen-hui Bao publie un article obscur dénonçant une pièce écrite par Wu Han. Or la pièce est déjà vieille de quatre ans et Wu Han, vice-maire de Pékin, est à priori intouchable. D’où vient le coup ? Quel en est le sens ? En attaquant par la bande , Mao crée un appel d’air et d’angoisse dans lequel chacun va s’engouffrer – et se perdre. Le petit article provoque une série de réactions en chaînes, et finalement un désastre humain, dont l’empereur rouge sortira plus fort que jamais. Simon Leys l’a analysé dans Les habits neufs du président Mao.?Le milieu analytique n’est pas le Parti communiste chinois, et Miller n’est pas Mao, mais il a été maoïste et, deux ans et deux livres plus tard, le voilà au centre du débat, interlocuteur des hommes politiques, intervenant à la radio, à la télé, dans les journaux : se posant en réfèrent indispensable. L’amendement Accoyer n’est qu’une étape dans sa longue petite marche. Il est à craindre qu’à l’arrivée, s’il y parvient, un ordre assez peu sympathique ne règne, dont le slogan implicite sera : la psychanalyse c’est Moi. Mais il n’y parviendra pas : le milieu analytique est un tissu de soie sauvage qui se déchire à la moindre pression.
Miller a quand même réuni le 10 janvier dernier, dans la petite salle de la mutualité, quelques marquis intellectuels du moment : Philippe Sollers, Bernard-Henri Lévy, Catherine Clément, Jean-Claude Milner et, bien entendu, son frère Gérard. Beaucoup sont des compagnons des temps héroïques. Tous ont fréquenté, d’une façon ou d’une autre, le grand salon avant-gardiste des années 1960 et 1970. Ils cherchent à le prolonger et à se survivre. Ce sont des Guermantes vieillis d’un moderne faubourg Saint-Germain. En les voyant, en les écoutant, on croit lire la fin du Temps retrouvé. On y tombe sur cette phrase de Proust : « Les traits où s’était gravée, sinon la jeunesse, du moins la beauté ayant disparu chez les femmes, elles avaient cherché si, avec le visage qui leur restait, on ne pouvait s’en faire un autre.» Avec le pouvoir qui leur reste, et qui s’entretient, Miller et les siens cherchent s’ils peuvent se refaire un simulacre de révolte et de liberté. Non !
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Paru dans Le Monde, édition du 23 juin 2005
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-664838@51-635356,0.html
La psychanalyse pour ramener les pédophiles "du côté des hommes"

GRENOBLE de notre envoyé spécial

Le sujet est délicat, et le travail toujours de longue haleine. Dans cet appartement d'un immeuble grenoblois, l'équipe de psychothérapeutes à laquelle les juges confient le suivi de pédophiles et délinquants sexuels à leur sortie de prison ne renonce pourtant jamais. Chacun dispose d'une spécialité, psychologie, psychiatrie, tous exercent comme psychanalystes affiliés à la Société parisienne de psychanalyse.

André Ciavaldini, l'un des responsables du centre, qui dépend d'un centre hospitalier, montre volontiers l'exemple d'une patience nécessaire. "On nous avait adressé un homme, pour un fait d'inceste, raconte-t-il. Il prétendait que c'était un complot, défendait une version hallucinante des faits. Il venait à nos rendez-vous. Il s'asseyait en face de moi, refusant tout dialogue. Il prenait la même attitude que moi. Je lui disais : "Ce n'est plus la peine de venir dans ces conditions." Il répondait : "Je suis obligé. Je veux venir." Un jour, je lui ai dit que je le croyais. Et cela a tout déclenché."
Des anecdotes comme celle-ci, les sept personnes qui travaillent dans ce centre pourraient en narrer à foison. Ils ont commencé à se pencher sur ces cas difficiles à partir de 1987. Au début des années 1990, quelques-uns d'entre eux ont été associés à un groupe de réflexion mis en place par le ministère de la justice, dont les travaux ont abouti à la loi du 17 juin 1998 sur la prévention des infractions sexuelles contre les mineurs.

"SCÈNES VÉCUES"

Aujourd'hui, ils assurent le suivi d'une cinquantaine de "sujets" , dans le cadre d'un dispositif que M. Ciavaldini qualifie de "sécuritaire" . Eviter la récidive est l'un des principaux soucis, tant pour les victimes potentielles que pour les patients : "Elle les entraîne vers le monstrueux, alors que le sujet qui ne récidive pas est ramené du côté des hommes." "On leur fait traverser le champ de leurs pulsions la main sur l'épaule" , explique-t-il.
A l'issue d'une première rencontre, ils aiguillent le "sujet" vers une série de rendez-vous en tête à tête avec un interlocuteur unique pendant une trentaine de minutes, ou vers un travail de groupe, qui font tous deux l'objet d'une évaluation par plusieurs membres de l'équipe. "L'important, souligne la psychiatre Anne Laredo, est de mettre en place le dispositif le plus adéquat."
Lors des réunions en commun, des techniques comme le psychodrame sont utilisées, avec des règles fixes et simples : les participants se connaissent par leurs prénoms. Ils expliquent la raison de leur présence. "Ils sont en général peu capables de se mettre à distance de leurs actes, précise M. Ciavaldini. Le psychodrame leur permet de vivre la situation. On peut représenter des scènes vécues. On peut changer le rôle de l'auteur pour celui de la victime. Je me souviens du cas d'un pédophile qui avait accepté de jouer le rôle d'une petite fille semblable à celles qu'il agressait dans les parcs et jardins. Et il n'arrêtait pas de répéter : "Mais pourquoi elle est là cette petite fille ? C'est dangereux. Pourquoi elle est là ?""
Pris à la sortie de leur parcours carcéral, ces hommes présentent des profils très divers : tant par leur origine sociale que par leur vécu psychologique. Contrairement à une idée reçue, pas plus d'un sur deux n'a subi de violences sexuelles pendant son enfance.
Ils ont en partage ce que les thérapeutes appellent une "carence éducative" , un ou plusieurs moments troubles de leur biographie d'enfants où ils ont été livrés à eux-mêmes. 60 % des auteurs de violences sexuelles n'ont pas été élevés en continu par leurs parents. Souvent, ils souffrent d'avoir rencontré de "grandes difficultés" avec leur mère. Avec de lourdes conséquences : "Les pédophiles peuvent penser 24 heures sur 24 à des enfants, dit M. Ciavaldini. Certains ont des rêves extrêmement pauvres, où ils voient un enfant, toujours le même."
Pour améliorer l'efficacité de son action, l'équipe a choisi, dès sa constitution, de mettre en place un réseau d'intervenants extérieurs. Elle ne délivre aucune prescription médicale ; mais elle s'est associée à des psychiatres qui s'en chargent en cas de besoin. Elle travaille avec le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP), qui assure le suivi social des anciens détenus.
SYSTÈME D'URGENCE
Enfin, elle collabore avec le juge d'application des peines. Ce dernier prend l'initiative d'adresser les condamnés au centre grenoblois et dispose en outre de pouvoirs de coercition. Lorsque des "sujets" ne viennent plus aux rendez-vous fixés par l'un des analystes, et qu'il en est alerté par leur soin, le magistrat a la possibilité de les contraindre à se présenter devant lui.
"Pour comprendre une situation, note toutefois Patrick Chevrier, juge d'application des peines à Grenoble, nous organisons ensemble et régulièrement des synthèses pluridisciplinaires. Cela nous a conduits à parler un langage commun, fait des mêmes notions, des mêmes mots, à construire un véritable partenariat."
"Quand je suis avec les pédophiles, insiste M. Ciavaldini, je n'oublie jamais les victimes." Quelques-unes sont prises en charge par l'équipe. "Mais, poursuit-il, ces hommes qui violentent nous rappellent que c'est possible pour tout le monde, que les tabous, comme l'inceste, qui nous distinguent des animaux, ne sont pas choses acquises d'une manière aussi évidente qu'on le croyait."
Alors tous refusent de se laisser décourager par les quelques échecs qu'ils ont rencontrés. Ils envisagent déjà d'étendre leur activité, pour l'instant uniquement diurne. Un système d'urgence a été mis à l'étude : un numéro d'appel qui permettrait de répondre, la nuit, aux heures de solitude, où les risques de récidive sont les plus grands.

Pascal Ceaux

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Même sujet, même jour, même journal
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-664839@51-635356,0.html


our les psychiatres, le terme "pédophile" désigne celui qui éprouve, à un niveau fantasmatique, une excitation sexuelle pour un corps d'enfant prépubère (en général 13 ans ou moins). Cette tendance, qui se décline sur un mode homosexuel, hétérosexuel ou bisexuel, n'entraîne pas un passage à l'acte systématique. Si beaucoup de pédophiles ont été victimes d'agressions sexuelles dans leur enfance et souffrent d'un sentiment d'infériorité, ni la biologie, ni la psychopathologie, ni la psychanalyse n'ont à ce jour fourni d'explications convaincantes.

Responsable depuis 1991 d'une consultation spécialisée pour les agresseurs sexuels au Centre médico-psychologique de La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine), le docteur Roland Coutanceau, psychiatre des hôpitaux et expert au procès d'Angers et au procès du Père François Lefort, a reçu et entendu des centaines d'hommes touchés par ce problème. "Lorsque des troubles de la personnalité viennent s'ajouter à cette tendance de base, le passage à l'acte devient possible" , explique-t-il. On parle alors de pédophiles "transgressifs" , qui se répartissent en trois grands groupes.
Les moins inquiétants ne sont pas de "vrais" déviants sexuels : leur passage à l'acte est occasionnel, souvent transitoire, et l'enfant n'y joue le rôle que d'un substitut de l'adulte. Les plus dangereux, qualifiés de "prédateurs" , sont ceux qui cherchent l'anonymat, raptent et agressent violemment un enfant avant de le relâcher ­ ou de le tuer. Ces criminels, que les psychiatres eux-mêmes peinent à comprendre sur le plan clinique, appartiennent à une catégorie hors normes. Ils restent minoritaires.
Les autres, de loin les plus nombreux, sont des "manipulateurs" . On retrouve chez eux les caractéristiques qui alimentent les faits divers : profession ou activité de loisirs proche de l'enfance, intérêt psychologique, intellectuel, affectif pour les enfants, tentatives de manipulation plus ou moins subtiles (cadeaux, menaces, autorité, emprise)... On peut, selon la conscience morale qui accompagne l'acte, distinguer plusieurs profils : le cynique, l'égocentrique, celui qui se leurre lui-même en voulant croire qu'il agit pour le bien de l'enfant, ou encore le névrotique, sujet au remords.
Cette typologie clinique, relativement récente, suscite encore des divergences, notamment en ce qui concerne le cas du père incestueux : pour certains, celui-ci doit être considéré comme un pédophile, pour d'autres, les ressorts psychiques de ses actes ne sont pas du même ordre.

Catherine Vincent

Les médicaments ne suffisent pas
Si les traitements médicamenteux (antihormonaux ayant pour action de diminuer la libido, mais aussi anxiolytiques ou antidépresseurs) sont administrés, en France, dans 10 % à 15 % des cas, la plupart des experts s'accordent à penser que ceux-ci doivent être accompagnés d'une thérapie relationnelle, seule susceptible d'avoir un effet stable et de limiter de nouveaux passages à l'acte.
Cette thérapie peut être individuelle ou collective, elle peut privilégier une approche cognitivo-comportementale ou psychanalytique, mais elle devra obligatoirement prendre en compte la réalité humaine, affective et sexuelle de l'agresseur.
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À propos de psychiatrie, analyse parue dans l'édition du Monde du 22 juin 2005
Querelle publique autour de l'identité de la psychiatrie, par Cécile Prieur


uelle orientation choisira la psychiatrie française de demain ? Plus de deux siècles après la libération des enchaînés par Philippe Pinel à l'hôpital Bicêtre, en 1793, et la reconnaissance de la folie comme une maladie, la psychiatrie traverse une profonde crise d'identité. Alors que son champ d'action ne cesse de s'étendre, confrontée qu'elle est aux expressions multiples de la souffrance sociale, cette discipline paraît de plus en plus tiraillée entre deux philosophies de soin, deux options théoriques divergentes dont l'antagonisme a pris récemment les contours d'une querelle publique.

D'un côté, un courant "biologisant" en pleine expansion, hérité d'une approche diagnostique anglo-saxonne, qui privilégie les réponses médicamenteuses et les thérapies comportementales brèves ; de l'autre, une psychiatrie dite"humaniste" et relationnelle, centrée sur le sujet et son histoire, et qui continue de valoriser l'apport théorique de la psychanalyse.
Depuis sa constitution en discipline à part entière, dans le courant du XIXe siècle, la psychiatrie a toujours cheminé aux confins de la médecine et des sciences humaines. Elaborée sur des références allant de Jean-Martin Charcot (1825-1893) à Sigmund Freud (1856-1939), en passant par Henry Ey (1900-1977) et Jacques Lacan (1901-1981), cette discipline a longtemps fait corps avec la psychanalyse, berceau de tous les grands psychiatres de l'après-guerre.
Profondément marqués par l'expérience concentrationnaire, ces derniers se lancent dans un mouvement de fermeture progressive des grands asiles, qui donnera naissance, dans les années 1960, à la politique dite "de secteur". Grâce à la découverte, en 1952, des neuroleptiques, qui permettent de suivre les patients en dehors de l'hôpital, les psychiatres multiplient les structures de soin extrahospitalières au sein des cités.
C'est la grande époque de "la psychothérapie institutionnelle" : les soignants s'engagent alors, avec les malades, dans des méthodes privilégiant la relation psychothérapeutique, en individuel ou en groupe.
Si elle a connu son apogée dans les années 1970, la psychiatrie de secteur a été peu à peu contestée, dans les années 1980, par l'apparition d'un nouveau courant, en provenance directe des Etats-Unis. Tournant progressivement le dos à la psychanalyse, les psychiatres américains élaboraient alors une nouvelle édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (connu sous le nom de DSM), qui décrit, sous forme de catalogue, plusieurs centaines de symptômes. "Ce manuel va, par sa simplicité et la facilité de son utilisation, s'imposer au monde entier, explique Jacques Hochmann dans Histoire de la psychiatrie (Que sais-je ?, 2004). La catégorie des névroses est éliminée et la notion de maladie remplacée par celle de trouble [disorder]. (...) Tout n'est plus que processus, sans lien avec une histoire individuelle."
A une vision du sujet souffrant, appelant une réponse personnalisée, qui se nouerait dans le secret de la psychothérapie, se substitue progressivement la notion d'individu affecté d'un trouble mental ­ schizophrénie, dépression, trouble anxieux ou trouble du comportement ­ qu'il convient d'éliminer.
Baigné de neurosciences, explorant le cerveau par le biais de l'imagerie médicale en vue de découvrir des origines génétiques à la maladie mentale, le courant biologique de la psychiatrie trouve son prolongement dans l'utilisation des thérapies comportementales et cognitives (TCC). S'appuyant sur les théories de l'apprentissage et du conditionnement, les TCC sont des "thérapies brèves et intensives, de l'ordre de 10 à 25 séances, à la recherche d'une réponse rapide et efficace à la souffrance", expliquait le psychiatre Jean Cottreaux au magazine Psychologies en avril 2004.
Cherchant à supprimer le symptôme, les partisans des TCC s'opposent dans leur méthode et leur finalité aux psychiatres d'orientation analytique : pour ces derniers, le symptôme n'est que le "point d'appel" d'une souffrance, souffrance qu'il s'agira de comprendre au travers de la cure. Dans cette optique, "nulle promesse de bénéfice garanti, nulle assurance d'un avenir débarrassé de symptôme, nulle certitude d'atteindre le bonheur, le clinicien s'engage avant tout dans le surgissement de l'inédit" , résumait Pascal-Henri Keller, professeur de psychopathologie clinique à Poitiers, dans la revue PSYCHOmédia de janvier-février.
Bien que la tradition psychanalytique soit profondément ancrée en France, les comportementalistes ont peu à peu gagné du terrain dans le champ psy au cours des années 1990. Mais, jusqu'à présent, les deux courants évoluaient parallèlement, entre cohabitation forcée et indifférence polie. Cette fragile concorde a brusquement volé en éclats après la publication par l'Inserm, en février 2004, d'une expertise collective intitulée"Psychothérapie, trois approches évaluées". Procédant à un recueil d'analyses cliniques, essentiellement anglo-saxonnes, ce rapport concluait à la supériorité des TCC sur les thérapies d'inspiration analytique. Violemment dénoncée par les psychanalystes, qui soulignaient ses biais méthodologiques et ses motivations idéologiques, l'expertise de l'Inserm est vite devenue un enjeu symbolique entre les deux courants : en février 2005, le chef de file de l'Ecole de la cause freudienne, Jacques-Alain Miller, obtenait du ministre de la santé, alors Philippe Douste-Blazy, qu'il la désavoue en la faisant retirer du site du ministère.

OBSERVATION CLINIQUE
L'épisode est pourtant loin d'annoncer le reflux des orientations comportementalistes et neurobiologistes. Cette conception du soin, pragmatique et utilitariste, s'impose en effet progressivement dans la formation des psychiatres. Les différentes versions du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, et les échelles d'évaluation comportementalistes sont aujourd'hui, à côté de la pharmacologie, le fond du programme des études de psychiatrie dans les facultés de médecine.
"La clinique psychopathologique s'avère sinistrée à l'université, réduite à une portion congrue dans les études médicales, elle se trouve sans cesse grignotée par la psychologie new age des experts en comportements", estimait ainsi Roland Gori, psychanalyste et professeur de psychopathologie à l'université d'Aix-Marseille, dans la revue Cultures en mouvement (mars 2004). A tel point que certains psychiatres ont décidé de réagir : réunis dans un "collège de psychiatrie" créé en novembre 2004 et présidé par le psychiatre Jean Garrabé, une centaine de praticiens souhaitent désormais promouvoir, notamment auprès de leurs jeunes collègues, la transmission de leur savoir basé sur l'observation clinique du sujet.
"Historiquement, nous nous sommes attachés à traiter chaque patient comme un être à part entière, situé dans une trajectoire personnelle. Que traitera la psychiatrie de demain ? L'urgence ? Le moment et le symptôme ? Le sujet dans son histoire ?", s'interrogeait le psychiatre Charles Alezrah dans une contribution aux Etats généraux de la psychiatrie en juin 2003.
De fait, l'orientation choisie dans les années à venir sera déterminante pour l'identité et le statut de la psychiatrie française : car soit elle répond à l'invitation du courant neurobiologique, qui n'envisage le malade que comme un porteur de symptôme, au risque de perdre son âme et de devenir une discipline médicale comme les autres ; soit elle poursuit sur sa voie propre, en revendiquant sa spécificité dans le champ médical et en ne refusant pas d'explorer, dans la rencontre avec chaque malade, le mystère singulier du psychisme.

Cécile Prieur


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Juillet



Didier Eribon



«Freud ou Foucault, il faut choisir.» Telle est l’alternative paradoxale qui clôt ce brillant essai de «théorie négative» dirigé contre le «binarisme des genres». Il s’agit pour Eribon de renouveler le «geste de défiance» de Deleuze et Guattari à l’égard de la psychanalyse «hétérosexiste» et de la «théologie» lacanienne, entièrement fondée sur la «position virile de l’hétérosexualité masculine», et qui assimile l’homosexualité à une «perversion». Une autre approche est possible, selon Eribon, qui préfère la psychanalyse existentielle de Sartre dans ses études sur Baudelaire, Genet et Flaubert, la mise en avant du «neutre» par Barthes dans ses «Fragments d’un discours amoureux», ou les analyses incontournables d’un Bourdieu sur la domination masculine. Il se réfère aussi aux féministes radicales qui prônent l’abolition de la différence des sexes, pour les encourager à «congédier la psychanalyse». Pourtant, comme l’a dit Antoinette Fouque, «il y a deux sexes». Il y a mille manières de vivre cette dualité, de la transgresser, mais suffirait-il d’abolir la psychanalyse pour abolir la différence des sexes?
«Echapper à la psychanalyse», par Didier Eribon, Léo Scheer, 88 p., 15 euros.

Catherine David 



Nouvel Obs

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Le ministère de la santé veut confier à l'Université la formation des futurs psychothérapeutes





Un an après la violente polémique qui avait agité les milieux psy à propos de l'amendement Accoyer sur la réglementation du titre de psychothérapeute, le ministère de la santé prépare, en toute discrétion, un projet de décret mettant en musique le dispositif adopté dans le cadre de la loi du 13 août 2004.

Créant un registre national des psychothérapeutes, dans lequel sont inscrits de droit les psychiatres, psychologues et psychanalystes, la loi exige également des professionnels concernés une formation minimale en psychopathologie clinique. C'est le niveau de cette formation, ainsi que ses modalités, qui sont en discussion au ministère. Un "préprojet" de décret, dont les grandes orientations ont été validées par le ministre, Xavier Bertrand, sera discuté jusqu'à la fin de l'année.
Voté en pleine nuit, le 8 octobre 2003, l'amendement Accoyer, du nom de l'actuel vice-président (UMP) de l'Assemblée nationale, visait à réserver aux médecins et aux psychologues l'usage du titre de psychothérapeute, actuellement utilisé par des milliers de professionnels non médicaux, représentant plusieurs dizaines de courants de pensée différents.
Après des mois d'âpres discussions et cinq lectures différentes au Parlement, une version finale a été adoptée, le 13 août 2004, dans le cadre de la loi sur la santé publique. "Nous avons abouti à ce que j'appelle la contradiction finale, explique le sénateur (PS) Jean-Pierre Sueur. D'un côté, un registre national des psychothérapeutes dans lequel sont inscrits de droit certains professionnels, à l'exclusion desdits psychothérapeutes. De l'autre, l'exigence, pour tous les inscrits, d'une formation universitaire. A mon sens, ce texte est tout simplement inapplicable."
Malgré cela, le ministère s'est engagé dans la rédaction d'un décret en se concentrant sur la formation des futurs psychothérapeutes. "Notre objectif est de former le mieux possible des professionnels qui viennent d'horizons différents à la conduite de la psychothérapie, qui est un outil et non une discipline", explique l'entourage de Xavier Bertrand.
Le ministère prévoit d'exiger de chaque postulant au titre une "formation théorique et pratique de psychopathologie clinique", qui serait dispensée, sur deux ans, par l'Université. Pour les personnes exerçant déjà la psychothérapie, un système de validation serait créé. Les facultés de Paris-V, Besançon, Nantes, Toulouse et Montpellier travaillent déjà sur le cahier des charges de cette formation, dont les grandes lignes devraient être précisées courant septembre.
En renvoyant à l'Université le soin d'organiser une formation, le ministère prend le risque d'attiser la guerre des écoles de pensée ­ certaines facultés étant orientées plus spécifiquement vers les neurosciences et les thérapies comportementales, d'autres restant attachés à l'apport de la psychanalyse. Sur ce terrain, le ministère assure que la partie théorique de la formation sera "respectueuse de la pluralité" des orientations cliniques.
La partie pratique pourra se dérouler aussi bien dans un service hospitalier de psychiatrie "que dans un service de soins palliatifs ou d'oncologie pédiatrique". Le ministère ne cache pas son intention d'orienter les professionnels prétendants au titre de psychothérapeute, dont beaucoup seront des psychologues, vers des fonctions d'"accompagnants en santé mentale", afin de compenser la pénurie annoncée de psychiatres.
Sans surprise, les professionnels qui avaient soutenu le principe d'une réglementation des psychothérapies approuvent ces orientations. "Ce projet permettra de sélectionner des professionnels capables de faire des diagnostics", explique le docteur Jean Cottraux, président de l'Association francophone de formation et de recherche en thérapie comportementale et cognitive (Afforthecc). "Un tronc commun en psychopathologie me paraît un passage obligé pour tous", renchérit Christian Vasseur, président de l'Association française de psychiatrie (AFP).
A l'opposé, les psychothérapeutes qui n'ont pas de formation médicale se sentent floués. "Nous ne croyons pas à l'esprit d'ouverture en matière de formation de psychopathologie clinique, les querelles sont bien trop fortes, affirme Bruno Dal-Palu, psychothérapeute et porte-parole de Psy en mouvement. Ce projet revient à une médicalisation de la pratique, c'est une façon d'éliminer tous les psychothérapeutes en exercice." "Il s'agit de bannir la psychanalyse des formations de psychopathologie, estime Elisabeth Roudinesco, historienne de la psychanalyse. Ce projet revient à créer un corps de fonctionnaires chargés du contrôle du psychisme des individus."

Cécile Prieur




Article paru

dans l'édition du Monde du 10 juillet 2005




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En juillet 2005, sur le site du Point



Le bloc-notes politique de Catherine Pégard

Catherine Pégard
C'est l'un des livres dont, à n'en pas douter, on parlera à la rentrée. Le psychanalyste Ali Magoudi, ami de Jérôme Monod - avec lequel il a cosigné en 1999 un « Manifeste pour une Europe souveraine » - et visiteur de Jacques Chirac, évoque d'autres rendez-vous prestigieux. Ceux qu'il a eus avec François Mitterrand de mai 1982 à juin 1993. Ali Magoudi raconte comment le secrétariat du président l'a appelé le 3 mai 1982 pour fixer sa première rencontre avec le président qui souhaitait « commencer une psychanalyse ».
Onze ans plus tard, François Mitterrand lui demandera de mettre en forme sa « nouvelle mémoire ». « J'ai eu des dizaines d'interlocuteurs, lui expliqua-t-il un jour de février 1993 dans l'avion présidentiel, au retour du Vietnam. Chacun pensait que je lui parlais. En réalité, il n'en était rien. Je me servais d'eux. Si j'ai tenu si longtemps face à la maladie, si j'ai résisté à l'adversité politique, c'est qu'au travers de toutes ces confidences je faisais une auto-analyse [...] En fait, je parlais à mes ancêtres. Aujourd'hui le temps est venu. Ma fin est proche. Je vous demande d'écrire la psychanalyse que j'ai, en réalité, effectuée. »
Ali Magoudi s'est acquitté de cette curieuse mission. Il publiera en novembre, chez Maren Sell Editeurs, « François Mitterrand sur le divan », une « fiction documentée » destinée à démêler deux questions que le chef de l'Etat voulait éclaircir : « Pourquoi ai-je eu un cancer ? Pourquoi suis-je devenu président? » 99 % des informations sont vraies, annonce l'auteur. On brûle de les découvrir. (...)


La suite de ce bloc note étant sans rapport aucun avec la psychanalyse, nous la supprimons. Elle reste consultable sur :

Le Point



© le point 07/07/05 - N°1712 - Page 7 - 742 mots


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Ici, il n'est gère question de psychanalyse, mais plutôt de psy... Elle est cependant aussi cité..



Parlez-moi d'amour> 


Après le porno chic, voici le quart d’heure sentimental ! Cinéma, littérature, internet... la tendresse prend le dessus. Sans forcément s’adonner aux sages soirées câlins des new-yorkais ou éprouver le stoïcisme des asexuels, on redécouvre enfin la vertu de la parole.


À trop vouloir le faire, avait-on oublié de le dire ? Depuis que Mai 68 décréta que “ Parler d’amour le détruit ”, les mots doux avaient sombré dans la ringardise. Étrange pudeur des années porno chic : si, en matière de sexe, on pouvait tout dire, dans le domaine des sentiments, on n’osait plus. Ce temps-là est révolu. Car notre époque redécouvre le romantisme. Observez le merveilleux marivaudage en verlan inventé par “ l’Esquive ”, couronnée de quatre césars. Ou la moue craquante d’une Scarlett Johansson, qui a fait chavirer Bill Murray dans “ Lost in Translation ”. Non, le dialogue amoureux n’est pas mort. Il est même plus vivace que jamais : même le roc Clint Eastwood y a succombé dans “ Million Dollar Baby ”, “ love story ” en gants de boxe qui a raflé quatre oscars. Frédéric François, l’inusable chanteur de charme, vise juste avec le titre de son dernier album, “ Et si l’on parlait d’amour... ” (Sony/BMG). Oui, après tout ? Assumons-le, au risque de faire hurler le Houellebecq qui sommeille en nous. N’ayons plus peur des mots qui touchent. Et si parler d’amour était devenu la grande audace de ce début de millénaire ?

Le sexe glorifié



On revient de loin. Il y a trente ans, Roland Barthes, dans ses “ Fragments d’un discours amoureux ” (Le Seuil), jugeait ce dernier “ d’une extrême solitude. [...] Ou ignoré, ou déprécié, ou moqué ”. Selon Theodore Zeldin, historien anglais et auteur d’une “ Histoire des passions françaises ” (Payot), la tragédie du XXe siècle fut qu’il n’inventa pas de nouveaux modèles de conversation romantique. Le cinéma réduisit le dialogue au minimum. “ Les années 60 ont glorifié le sexe et déprécié l’amour, constate l’historien Jean-Claude Bologne, auteur d’une “Histoire du sentiment amoureux” (éd. Flammarion). À l’époque, on pense qu’en amour tout a déjà été dit. On craint alors de tomber dans des images convenues et sans sincérité, et de fixer un sentiment qui doit être, par essence, libre et volatil. ” À l’orée des années 2000, enfin, le trio Michel Houellebecq, Catherine Millet et Virginie Despentes consacre l’ère du sexe triste et du porno chic. Mieux vaut alors dévoiler son sexe que mettre son cœur à nu.

Les câlins branchés



“ On a cru que le sexe donnerait le bonheur, explique le psychiatre Willy Pasini. C’est un leurre. Il ne procure que du contentement. Le vrai bonheur nécessite de l’empathie et passe par le romantisme. ” Déception ? Saturation ? Aujourd’hui, le sexe pour le sexe ne fait plus vibrer. Désormais, New York élève la tendresse au top de la branchitude. Dans les “ cuddle parties ”, des soirées câlins sans sexe qui font fureur, on se met en pyjama pour se caresser et s’enlacer, sans arrière-pensées sexuelles. Des gardes du cœur veillent à éviter tout débordement. Ce sont deux Américaines, coachs en relations amoureuses, qui ont inventé ce concept. Après trois heures de cajoleries, on est censés ressortir gonflés à bloc.

Intégristes anti bagatelle

 



Ce rejet du sexe a ses extrémistes. Toujours aux États-Unis, un mouve-ment fait son “ coming out ” : les asexuels. Ils sont hétéros, homos ou bi, célibataires ou en couple, et pourtant, ils sont indifférents à la bagatelle. Ces adeptes du “ no sex ” militent pour un couple fondé exclusivement sur l’amour. Selon le médecin canadien Anthony Bogaert, ils représenteraient 1 % de la population. Figure de proue de ce mouvement, David Jay, un Américain de vingt-cinq ans, a créé un site Internet, www.asexuality.org, qui connaît un succès mondial. Dans l’histoire, il rappelle que de grands artistes méprisaient la gaudriole. Et Freud ou Gandhi ne cachaient pas leur désintérêt pour la chose. Morrissey, le chanteur du groupe de rock anglais les Smiths, se proclame lui aussi asexuel.

En pleine romance



Tendance très actuelle : le retour du romantisme. Au cinéma, c’est flagrant. Le magnifique “ Quand la mer monte ” (deux césars) célèbre les émois d’un p’tit gars du Nord, porteur de géants, transfiguré par l’amour. Claude Lelouch prône “ le Courage d’aimer ”. “ Il ne faut jurer de rien ”, car Musset revient à l’honneur dans un film d’Éric Civanyan (en salles le 28 septembre). Et cet été, à Paname, la crème des réalisateurs (Gus Van Sant, Jean-Luc Godard, Walter Salles) tourne une “ love story ” en vingt courts-métrages pour les vingt arrondissements, “ Paris, je t’aime ”, sur le thème de la rencontre (sortie au printemps 2006). Sur Internet, l’amour est aussi l’un des grands thèmes de discussion. Le succès phénoménal d’un site de rencontres comme Meetic, avec dix millions d’inscrits dans le monde, dont la moitié en France, révèle de nouveaux comportements. En répertoriant “ les Plus Belles Histoires d’amour de l’Internet... ” (Patrick Robin éditions), la journaliste Virginie Michelet a détecté des codes inédits. “ Sur le Web, les internautes se lâchent davantage, ils osent évoquer leur vision de l’amour. ”

danse sur le fil du rasoir 



Même les psys ont senti le vent tourner. Après des années à écrire sur la sexualité, le psychiatre Willy Pasini a titré son dernier ouvrage “ le Couple amoureux ” (éd. Odile Jacob). “ Depuis cinq ans, le cœur a pris plus d’importance que le sexe, constate-t-il. Aujourd’hui, les couples nous consultent davantage pour des problèmes de jalousie que pour des questions sexuelles. ” Pourquoi cet attrait soudain ? À cause des femmes ! “ Depuis que les êtres humains savent marcher, explique le spécialiste, l’amour passe par les yeux pour les hommes, et par les oreilles pour les femmes. Ces deux sens ont remplacé l’odeur dans la parade conjugale. Les unes sont plus sensibles à la parole, et les autres, à la beauté visuelle. Ces dernières années, la féminisation des valeurs de la société a ravivé le goût pour la conversation amoureuse. ”
L’engouement pour la psychanalyse a aussi changé la donne, sous l’influence des grands thérapeutes qui prônent les vertus du dialogue, tels Édouard Zarifian (voir encadré) ou Boris Cyrulnik, qui encourage à “ Parler d’amour au bord du gouffre ” (éd. Odile Jacob). Car, à l’heure où un mariage sur deux échoue, les couples recherchent désormais une relation plus profonde. “ On ne reste plus ensemble par convenance sociale. Dans une époque très libre, dire “Je t’aime”, c’est donner à l’autre une part de son indépendance, constate Isabelle Yhuel, réalisatrice à France Culture et auteur de “Nos déclarations d’amour” (éd. de La Martinière). Les couples ont une exigence de vérité. ” Car déclarer sa flamme ne suffit plus. Comment construire une vie à deux et éviter les écueils ? Selon Lucy Vincent, docteur en neurosciences, il faut sortir d’une culture de contes de fées pour comprendre le mécanisme des sentiments et opérer ainsi de “ Petits Arrangements avec l’amour ” (éd. Odile Jacob).
“ Il y a un décalage entre l’amour rêvé et ce qu’il est en réalité. Lorsqu’on devient “addict” de son partenaire, les zones du jugement dans le cerveau sont anesthésiées. Grâce à des neurotransmetteurs, on ne voit plus les défauts de l’autre. Ce phénomène dure trois ans et diminue avec le temps. Les défauts de l’autre resurgissent. Il faut connaître ce processus pour mieux gérer les crises inévitables et les surmonter. ” L’amour pour la vie ? “ Illusoire, dit-elle, c’est une danse sur un fil de rasoir. ” Qu’apporte, au fond, le dialogue amoureux ? Il tisse l’attachement, permet de distinguer passion et affection, de révéler ses émotions et de soigner ses blessures affectives. Monique Fradot, auteur (avec Danièle Chinès) de “ Pourquoi lui ? Pourquoi elle ? ” (éd. JC Lattès), l’affirme sans détour : “ Notre couple peut nous guérir. ” La plus douce des thérapies



Dans les pages psycho du Figaro





 




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L'Express du 18/07/2005
http://www.lexpress.fr/info/sciences/dossier/psy/dossier.asp?ida=434057

Attend-on trop des psys? 



par Delphine Saubaber, Natacha Czerwinski

Ils sont partout! Côté vie familiale (divorce, enfants, deuil...), le carnet de consultations est rempli. Côté vie collective, chaque catastrophe est désormais suivie par la mise en place d'une cellule de secours, avec des psychologues spécialisés... Pour soigner qui? Et quoi? Sommée de réparer tous les accrocs de l'existence, la psy est-elle surinvestie? Analyse



Un psy et un curé devisent sur l'état du monde, chacun à la porte de sa boutique. Un quidam s'approche, grise mine, traînant la savate et le poids de sa vie. Coup de menton du psy au curé: «S'il a conscience de sa culpabilité, il est pour vous. Sinon, il est pour moi.» A toi le pénitent, à moi le dolent. Sempé a croqué ce tête-à-tête sur le papier. C'était au temps où la division du travail était claire. Depuis, les choses ont bien changé. Le psy a conquis le monopole de nos âmes. Désormais, culpabilité ou non, au moindre bobo, on fonce tous, ou presque, s'allonger sur le lit de confession et de rédemption: le divan.

Il est devenu la pythie des temps modernes, le psy. Et recueillir son oracle à tous les âges de la vie passe pour une évidence. Un coup de grisou dans l'existence, une avalanche, un cheptel pris de fièvre aphteuse, une peignée dans une cour d'école, une émission sur le mariage homosexuel… Pas une parcelle de vie qui échappe à son scanner. Pas un débat de société sans qu'on le convoque pour donner un point de vue ecclésial. Pas une semaine sans qu'un magazine - Psychologies et ses 300 000 exemplaires, pour ne citer que lui - prescrive un lifting émotionnel avec force conseils pour «choisir son psy». Pas un mois sans qu'un best-seller, tel Guérir (Robert Laffont), de David Servan-Schreiber, avec son million d'exemplaires, fleurisse sur le terreau lucratif du «développement personnel» … Les psys sont partout! Consultés à titre préventif, curatif et, en tout cas, extensif. A la RATP pour épauler les conducteurs, chez Peugeot pour penser la voiture de nos rêves, aux côtés des sportifs, sur les plateaux télé. «La psy», la nouvelle lingua franca de l'Occident, agrégat fourre-tout, a infiltré nos têtes, nos mœurs, nos strates individuelle et collective, jusqu'à modeler une trame de pensée si familière qu'on fait du moindre lapsus un psychodrame.

Un cadre trop timoré? On lui propose un stage d'analyse transactionnelle


C'est le monde à l'envers. Avant, le psy était réservé aux fous. Aujourd'hui, tout le monde a le sien, sauf les fous, vu l'état sinistré de la psychiatrie. Alors, on peut ironiser sur cette fringale de dépannage psychologique et d'assistance médicamenteuse pour braver les coups bas de l'existence. Mais si ce recours aux psys était un symptôme? Qu'est-ce qui nous fait courir chez eux? De quoi voulons-nous guérir? En couchant l'inaudible et le honteux sur un divan, Freud a libéré l'humanité de ses tabous. Mais, un siècle plus tard, n'attendons-nous pas trop de ses disciples? «On demande au psy de parler à chacun de son bonheur, de l'amour… D'expertiser le pathologique. De consoler. D'éduquer. D'expliquer. De muscler les performances en entreprise», observe Edouard Zarifian, professeur émérite de psychiatrie. La société même est devenue un immense psychisme, renchérit le psychanalyste Serge Hefez. «On la dit "déprimée", on tâte son pouls. Tout notre discours se psychologise parce que nous pensons que c'est le seul qui donne du sens.» Alors trop, c'est trop?

 Pressé d'exister, de ranger son chagrin, Fabrice, jeune cadre en faillite sentimentale, a supplié le psychothérapeute Norbert Vogel, auteur de La Malpsy (Presses de la Renaissance): «Je ne peux pas me permettre d'être mal. Faites-moi oublier. N'importe quoi, pourvu que ça marche.» Du prêt-à-penser, rapide et efficace. «J'ai dû lui expliquer qu'il avait une blessure et qu'il lui fallait du temps, précise Vogel. Comme si les gens allaient chez le médecin en disant: "J'ai une grippe de cheval, donnez-moi un traitement de

06/09/2005
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