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Lacan stories
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Lacantation
La tentation de la (r)édition
Truculents, succulents, acidulés ou plus simplement informatifs ces quelques échanges de propos et de flèches par médium interposé.....
Dans LE MONDE DES LIVRES, mis en ligne le 07/04/05 à 17h 41
sur http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0,36-636274,0.html
cet article d'Élisabeth Roudinesco à propos de la parution de:
L E SÉMINAIRE. Livre XXIII. Le sinthome, 1975-1976 de Jacques Lacan. Texte établi par Jacques-Alain Miller, Le Seuil, 248 p., 25 €.
Le quotidien propose un encart à titre d'introduction:
Le Séminaire :
Entre 1953 et 1979, Jacques Lacan (1901-1981) a tenu un enseignement Le Séminaire dont la sténotypie est libre d'accès. Il a désigné son gendre, Jacques-Alain Miller, comme détenteur de son droit moral, après l'avoir chargé, en tant que coauteur, d'établir la version écrite de cet enseignement. Onze volumes ont été publiés entre 1973 et 2005, sur un total de vingt-cinq, le vingt-sixième ne comportant que quelques séances puisque Lacan, atteint de troubles cérébraux, avait du mal à parler.
La transcription de Miller a fait l'objet de polémiques : lenteur des parutions, absence de notes, d'index et d'appareil critique, erreurs, désormais corrigées à mesure des réimpressions. Les attaques actuelles visent moins à améliorer le travail de Miller qu'à mettre en cause son droit moral.
L'article:
James Joyce, saint homme lacanien
Durant les dernières années de sa vie, Jacques Lacan s'engage dans une refonte de sa théorie de la subjectivité qui consiste à inverser les trois termes de sa fameuse topique : l'Imaginaire, le Symbolique, le Réel. Si le premier terme désigne la manière dont un sujet construit son moi dans une relation duelle à autrui, et si le deuxième définit une fonction du langage qui le détermine dans son rapport à une extériorité (la loi, le langage), le troisième le renvoie à une réalité que nul ne peut maîtriser : la pulsion, le crime, le délire, l'hallucination, la jouissance, l'acte à l'état brut, etc.
En bref, Lacan appelle Réel une réalité propre à la folie composée de signifiants c'est-à-dire de mots qui ne peuvent jamais être intégrés à l'univers mental du sujet et qui, du fait de ce rejet ou forclusion le font délirer : un fou est celui qui parle tout au long d'un discours dont la logique échappe, en apparence, à toute interprétation rationnelle.
En accordant à ce Réel une place prépondérante, Lacan tente de repenser la clinique de la psychose à un moment où l'approche biologique cerne la causalité de la folie dans des défaillances neuronales ou cérébrales, et où les contestataires de l'ordre psychiatrique s'en prennent à l'enfermement asilaire. Aussi bien cherche-t-il, du côté de la branche des mathématiques nommée topologie, une manière de "nouer" par des noeuds dits "boroméens" les trois éléments qui caractérisent la subjectivité humaine (RSI). Et, pour cela, il s'appuie sur les travaux de plusieurs mathématiciens : Georges Théodule Guilbaud, Pierre Soury, Michel Thomé, Jean-Michel Vappereau.
C'est alors qu'il se met en tête de lier sa quête d'une logique de la folie à l'aventure littéraire la plus novatrice du XXe siècle : celle de James Joyce (1882-1941). Après avoir participé à la Sorbonne, en juin 1975, à un colloque réunissant les spécialistes de l'oeuvre de l'écrivain Jean Paris et Jacques Aubert notamment , il décide de lui consacrer son séminaire de l'année 1975-1976, auquel il donne pour titre "Le sinthome", d'après un néologisme tiré de l'ancien français (coïncidence) et du mot "symptôme" utilisé en médecine pour désigner les signes d'un état morbide.
Ce mot permet à Lacan de commenter la théorie joycienne de la claritas ou "rédemption par l'écriture" , empruntée à saint Thomas d'Aquin, et selon laquelle l'objet révèle son essence en devenant la chose même par une "épiphanie" (apparition).
STYLE BAROQUE
Désigné comme un sinthome (ou saint homme), Joyce devient, selon Lacan, le nom même d'un symptôme qui renvoie autant au réel de la folie qu'à la manière de la relier à un acte créateur. Et, du coup, Ulysse, roman initiatique de Joyce inspiré de L'Odyssée, est métamorphosé en un récit autobiographique. De la relation complexe entre les deux héros, Stephen Dedalus, Télémaque rebelle, et Leopold Bloom, Ulysse polyphonique, Lacan déduit que le père de Joyce était fou, que son fils avait renié son nom et que, pour suppléer à ce rejet, il avait dû se forger un nom digne d'être transmis à la postérité. Quant à la fille de l'écrivain, Lucia, atteinte de schizophrénie, et que son père avait voulu préserver de l'emprise des médecins, en la désignant comme une télépathe, Lacan souligne qu'elle aurait été l'inspiratrice de la volonté joycienne de construire une langue fondamentale. On sait que dans son oeuvre finale, Finnegans Wake, Joyce avait mêlé dix-neuf langues pour créer un récit dont la langue et la syntaxe portaient à une incandescence jamais atteinte par la littérature l'idée même de l'oeuvre en train de se faire et de se dissoudre : work in progress, une "guerre des idiomes déclarée par Dieu", comme disait Jacques Derrida.
De fait, Lacan projette sur Joyce son propre roman familial. Il parle de son enfance et de son père et pour finir de sa rencontre ancienne avec l'écrivain, invité à lire des fragments d'Ulysse, en décembre 1921, à la Librairie Adrienne Monnier : "Sortant d'un milieu assez sordide Stanislas pour le nommer , enfant de curés, quoi, comme Joyce (...) bref, émergeant de ce milieu sordide..."
A cet égard, Le Sinthome est plus révélateur de la folie verbale du dernier Lacan qui se désigne comme un jaclaque ou un Jules Lacue , que d'une approche cohérente de l'oeuvre et de la vie de Joyce. Mais cette folie éclaire son style baroque et la grandeur tragique de sa quête éperdue d'une saisie de l'indicible dont on sait qu'elle finira par le plonger dans le mutisme.
Contrairement à ce que disent ses adversaires, Jacques-Alain Miller a fort bien établi la version orale de ce séminaire en la simplifiant, ce qui la rend lisible. Dans les annexes, il a fait figurer, outre la conférence de la Sorbonne, une présentation de celle-ci par Jacques Aubert. Enfin, il a ajouté un index des noms propres et une "Notice de fil en aiguille" dans laquelle on trouve quelques commentaires utiles. Toutefois, il aurait pu s'abstenir de trop célébrer son propre parcours autobiographique. Un peu d'humilité est nécessaire à la rigueur.
Signalons aussi la parution en poche du Jour où Lacan m'a adopté : mon analyse avec Lacan, de Gérard Haddad (Le Livre de poche, "Biblio essai", 440 p., 8 €).
Elisabeth Roudinesco
Article paru dans l'édition du 08.04.05
Et ci-dessous la riposte acide et enflammée tout à la fois que Jacques-alain Miller s'est empressé de lui adresser par l'intermédiaire d'un bulletin de son ALP
L'Agence Lacannienne De Presse Nouvelle série, n° 71 — Paris, le jeudi 7 avril 2005 — que l'on peut consulter, ainsi que tous ceux qui le précèdent et ceux qui lui succèderont sur www.forumpsy.org http://www.forumpsy.org/
LETTRE À ÉLISABETH ROUDINESCO
par Jacques-Alain Miller
Bien chère Élisabeth,
À la fin de l’article que vous consacrez au Sinthome dans Le Monde de cet après-midi, vous me recommandez « un peu d’humilité ». Voilà qui est fort de café.
Qui parle ? De quel magistère tombe pareille admonestation ? De cette même tribune du Monde où j’ai été crucifié des années durant, au point que je m’estimais heureux d’être passé sous silence, puisque mon nom n’y figurait jamais que pour être bafoué.
Notre amie Catherine Clément loue quelque part ma « capacité de résistance ». Certes. Imaginez-vous, chère Élisabeth, que pour tenir bon quand on est piétiné durant un quart de siècle par tout ce que la France compte de luminaires médiatiques dès que l’on bouge un cil, il faut un brin d’orgueil. Je suis grandiloquent ? Précisément, j’aime cette phrase de Montherlant pour sa grandiloquence : « Je n’ai que l’idée que je me fais de moi pour me soutenir sur les mers du Néant. » C’est dans Service inutile, que Camus aimait.
À dire vrai, il y avait surtout l’idée que je me faisais de Lacan, et qui est fort distincte de celle que vous répandez. Je n’ai pas lu, vous le savez, la biographie que vous lui avez consacrée, mais il m’étonnerait que le rôle que vous m’y faîtes jouer soit à ma convenance. Sur Lacan, l’homme, et sur mes rapports personnels avec lui seize ans durant, j’ai gardé le silence. Je ne l’ai rompu, ce silence, qu’à votre bénéfice, quand vous m’avez interrogé pour votre Bataille de cent ans. Je commence à peine à en dire un peu plus, et déjà je vous impatiente, vous me gourmandez : « Il aurait pu s’abstenir, écrivez-vous, de trop célébrer son propre parcours autobiographique ».
On aurait pu s’attendre à ce qu’une biographe de Lacan encourage la bouche qui s’ouvre. Mais non, vous lui offrez, obligeante, le secours d’un bâillon : « Tais-toi donc. » Là, c’est Baudelaire qui s’évoque : « Tais-toi, ô ma douleur, et tiens-toi plus tranquille. » Si je suis votre douleur, chère Élisabeth, comme vous avez été longtemps la mienne, eh bien, permettez-moi de vous dire que vous n’avez pas fini de souffrir.
Tout à rebours de vous, notre amie Catherine m’invitait hier soir à commencer par parler de moi quand j’aurai bientôt à tenir au public quelques propos sur la psychanalyse. Excusez-moi, c’est son conseil que je suivrai, et non point celui que vous me cornez aux oreilles depuis votre haut-parleur du Monde.
Votre invitation à l’humilité se motive, dîtes-vous, de ceci, qu’« un peu d’humilité est nécessaire à la rigueur ». Cette belle maxime frappée à mon intention, je suis tout prêt à en faire mon profit, mais est-elle juste ?
La rigueur, dîtes-vous. Pourquoi l’humilité serait-elle nécessaire à la rigueur ? Pourquoi non l’orgueil ? L’orgueil est beaucoup plus nécessaire à la rigueur que l’humilité. Il se pourrait même que l’humilité fût tout à fait nuisible à la rigueur.
La rigueur est la rigueur. Elle est la même, que l’on soit arrogant ou que l’on soit amène. On peut être fou aussi bien, cela n’y fait rien. Qui est plus rigoureux qu’un psychotique ?
Pourquoi devrais-je recevoir de vous, chère Élisabeth, je vous le demande, des leçons de rigueur agrémentées de l’injonction d’avoir à me taire ? Vous écrivez, quelques lignes avant votre belle maxime, que, dans les annexes du Sinthome, figure, avec la conférence de Lacan à la Sorbonne, une présentation de celle-ci par Jacques Aubert. C’est inexact : les notes de l’éminent joycien portent sur l’ensemble du Séminaire. Vous écrivez que « Lacan projette sur Joyce son propre roman familial ». Où avez-vous vu cela ? Lacan relève que sa biographie recoupe celle de Joyce en quelques points : il est lui aussi issu d’une famille confite en dévotion, il a entendu Joyce rue de l’Odéon. Rien à voir avec une projection, terme qui a un sens précis en psychanalyse, et qui désigne une opération dont Lacan s’est toujours gardé. Lacan n’a nullement « participé » au colloque de la Sorbonne avec MM. Un tel et Un tel : il est venu faire la conférence d’ouverture, et puis il est reparti. Je le sais : je l’accompagnais, avec Judith. Mon Dieu ! je parle de moi. Vous voyez dans Le Sinthome un exemple de « la folie verbale du dernier Lacan », qui le tiendrait éloigné « d’une approche cohérente de l’?uvre et de la vie de Joyce ». Tiens donc ! On peut tout contester de l’approche de Lacan, sauf sa cohérence justement. Il utilise Joyce à ses fins propres, et l’érudit pourrait y trouver à redire, mais il mettrait en cause son présupposé, non sa déduction. Il se trouve de plus que l’érudit de référence applaudit le bel effort du psychanalyste. Vous parlez de sa « quête éperdue d’une saisie de l’indicible ». Pourquoi pas ? Mais c’est du Roudinesco, ça, non du Lacan.
Cela fait beaucoup en quelques lignes, chère Élisabeth, quand on dispense à tout vent une leçon d’humilité et de rigueur. Tout compte fait, je vous laisse l’humilité et garde la rigueur.
Il est vrai que la mienne, de rigueur, n’a pas l’heur de vous plaire. Des cinquante pages de ma « Notice de fil en aiguille », vous jugez qu’on y trouve « quelques commentaires utiles ». Oui, et nombre qui sont inutiles, sans doute. Mais tout est là : il y a une « urgence de l’inutile », comme le dit Sollers. Il est vrai que son nom, si présent dans ce Séminaire et dans mon commentaire, brille par son absence dans votre papier.
Bien entendu, vous ne sauriez tout dire dans l’espace restreint que vous concède le Monde des livres. Alors, vous choisissez. J’ai tout loisir de m’étaler dans l’espace immatériel de l’ALP, alors je ne choisis pas, et mon enflure incommode votre sentiment de la décence. Muet, j’étais parfait. Vous aviez toute latitude de me cribler de vos flèches, je ne pipais mot. Excusez-moi si saint Georges a depuis peu ma préférence sur saint Sébastien. Vous êtes en proie à un dragon dont il faut que je vous délivre, et qui vous fait parler d’une voix où je ne reconnais pas la charmante et valeureuse Élisabeth qui m’a montré le chemin, et à Jean-Claude Milner, dans le combat contre l’évaluation.
Milner n’a pas le même penchant que vous pour l’humilité. Son essai Existe-t-il une vie intellectuelle en France ? s’appelait, avant que je ne lui propose ce titre, Contre l’humilité. Il y voyait « le crime contre l’esprit ». On nous incite beaucoup à l’humilité ces temps-ci. Ce n’est pas la vox populi, non, c’est la culture de l’évaluation qui s’exprime ainsi. On prescrit à tous l’obéissance, on proscrit les fortes têtes, et ce prurit de penser par soi-même plutôt que par expertise collective. Pour les « sociomanes », comme les appelle Sollers, tout ce qui n’est pas humble est anti-social. Cela veut dire qu’on a toujours tort de se révolter.
Je n’entrerai pas ici dans la grande controverse de l’humilité. Les Anciens connaissaient-ils l’humilité ? S’ils en avaient la notion, en avaient-ils la pratique, ou est-ce une vertu seulement chrétienne et surnaturelle ? Il y a là un effet dialectique : avoir le sentiment de sa petitesse devant le Très-Haut serait plutôt de nature à vous rendre intrépide devant tout mortel. C’est le secret de la nuque raide des Juifs, c’est le principe de la résistance intraitable des protestants, c’est le ressort de la rébellion catholique, celle qui a donné en France et Pascal et Péguy et Mauriac, tout à l’opposé de ce conformisme évaluateur où se sont abîmés les héritiers du personnalisme, qui ne vous aiment pas plus qu’ils ne m’aiment. Car si vous n’êtes pas toujours rigoureuse, chère Élisabeth, vous n’êtes jamais humble. Cette idée ferait rire tous ceux qui vous connaissent, ou même qui vous lisent. Cela vous vaut des adversaires qui, souvent, sont les miens aussi.
Il y a un terme qui manque dans cette lettre, et qu’il faut que j’introduise avant de l’interrompre. C’est celui de magnanimité, qui fut un idéal des Grecs — megalopsuchia — et des Romains — magnanimitas, néologisme de Cicéron — avant de venir en héritage au christianisme. Qui n’a pas l’âme ravie en lisant le portrait du magnanime dans l’Éthique à Nicomaque, ne saurait goûter Corneille ni Stendhal. J’aime assez là-dessus la synthèse de saint Thomas, telle que l’exposait jadis le Père Gauthier contre le Père Noble. Le Père Noble disait que « l’homme humble n’aborde pas les grandes entreprises parce qu’il sait en être incapable. Le magnanime va aux grandes choses, parce qu’il connaît ses moyens ». L’humilité serait pour les médiocres, la magnanimité pour les grandes âmes. Le Père Gauthier, lui, conciliait : magnanimité dans les affaires humaines, mais, dans le rapport à Dieu, aveu par l’homme de son néant.
Lacan, pourtant si versé dans Aristote, n’était pas magnanime. Il voyait là l’une de ces façons de se pousser du col qui ne l’impressionnaient pas. Ce cynique supérieur avait pourtant reconnu en moi une vertu qui vous échappe, chère Élisabeth, et dont je reconnais volontiers qu’elle n’est pas très en évidence ces jours-ci : la modestie. J’ai poussé ça jadis jusqu’à vouloir « ne compter pour rien ». Du coup, on en a pris à son aise avec moi, et sans doute en ai-je tiré une obscure jouissance. Sur ce, dîtes-vous bien que je ne suis plus le stoïque qui servait de punching-ball. Le cave se rebiffe. J’essaye autre chose.
Ce nouveau système comporte que je ne laisse rien passer, même pas cette petite épingle dont vous m’avez piqué aujourd’hui, en guise de flèche du Parthe, après avoir dit pour la première fois qu’une transcription de moi vous agréait. Je voudrais continuer de mériter vos éloges.
Considérez que j’ai répondu à votre correction fraternelle par une autre. Vous savez que je suis à vos côtés pour l’essentiel. Je vous embrasse avec affection.
Jacques-Alain
Ce 7 avril 2005
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Notes du Claviste:
À propos de douleur:
Il semblerait que Charles Baudelaire n'entendait pas tant semoncer sa douleur (Tais-toi!) que l'inviter, à en des termes autrement pensés, à ne plus le torturer ...
Ainsi dit le poème:
Recueillement
Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.
Tu réclamais le Soir; il descend; le voici:
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le souci.
Pendant que des mortels la multitude vile,
Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,
Va cueillir des remords dans la fête servile,
Ma Douleur, donne-moi la main; viens par ici,
Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années,
Sur les balcons du ciel, en robes surannées;
Surgir du fond des eaux le Regret souriant;
Le Soleil moribond s'endormir sous une arche,
Et, comme un long linceul traînant à l'Orient,
Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche
À propos de la rigueur...
" La rigueur est la rigueur. Elle est la même, que l’on soit arrogant ou que l’on soit amène. On peut être fou aussi bien, cela n’y fait rien. Qui est plus rigoureux qu’un psychotique ?"
dit Jacques Alain Miller dans sa riposte exaspérée à Elisabeth Roudinesco, ? mais comment Jacques Alain Miller le sait-il? Et d'où peut-il l'affirmer?
À la rigueur... la suite pourrait laisser entendre ce qu'il ne pense pas dire mais que ces propos laissent entendre à qui, simple curieux, sans pouvoir médiatique, n'est pas piqué de psychanalyse ni armé de connaissances mais assoiffé de saisir quelque vérité auprès de ceux qui s'en revendique...
"(...) Cela fait beaucoup en quelques lignes, chère Élisabeth, quand on dispense à tout vent une leçon d’humilité et de rigueur. Tout compte fait, je vous laisse l’humilité et garde la rigueur.(...) "
L'ensemble du propos dans son contexte est cité plus haut....
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Le Figaro s'était fait l'écho début février de cette "affaire"
Où sont passés les séminaires de Lacan ? (1)
Dans les pages du Figaro littéraire daté du 03 février 2005
PAR ELIZABETH GOUSLAN
«Le craquement du lit de sangle
Est un des bruits du Paradis», dit Victor Hugo. Le divan parisien fait entendre de tout autres couacs. Car les lecteurs sont toujours privés des fameux séminaires de Jacques Lacan. Une association d'une centaine d'hommes et de femmes profanes – professeurs, enseignants, élèves – entendent étudier autrement qu'en secret les 26 illustres conférences que le maître donna vingt-trois ans durant. Novices et rafraîchissants, ils se sont baptisés «les amis de Lacan». Prudents, ils disposent de bonnes versions. Pragmatiques, ils vont attaquer en justice Jacques Alain Miller, gendre et exécuteur testamentaire tout-puissant du penseur disparu en 1981, afin qu'il hâte la publication des 17 séminaires manquant à l'appel, neuf d'entre eux existant déjà aux Editions du Seuil.
On voit mal ce qui pourrait faire obstacle à une telle entreprise. Sauf que les protagonistes appartiennent à un monde où le conflit, l'invective et le goût du psychodrame prédominent. L'affaire des séminaires est ancienne. Elle possède déjà son histoire, ses acteurs et son décor. Pour l'évoquer, un flash-back s'impose. 1953 : Lacan, vedette sulfureuse, entame le 18 novembre ses premières leçons publiques à l'hôpital Sainte-Anne. Une sténographe retranscrit alors en version dactylographiée les paroles de l'analyste. Dix ans plus tard, Louis Althusser ouvre les portes de l'ENS au conférencier considéré comme dissident. Le public s'élargit. Rue d'Ulm, des étudiants de tous bords, de toutes disciplines s'ajoutent aux auditeurs spécialisés de Sainte-Anne. Ils seront parfois 300, assidus, fascinés, happés. On connaît cette épopée, sa geste, ses héros et ses rituels. Mai 68 interrompt un moment les séminaristes puisque Lacan doit quitter Normale. On le retrouve en 1969, inchangé, fédérant ses braves petits soldats de la névrose, armés de stylos et de bloc-notes, à la faculté de droit du Panthéon. Ce n'est plus un succès, c'est un triomphe. Mille spectateurs sont alors suspendus aux lèvres de cet orateur hors norme.
En trois lieux et deux décennies durant, Lacan aura donc occupé la scène. Mais où est la pièce de théâtre magistrale ? Quid du feuilleton et qui en détient le texte ?
Le deuxième acte se déroule en 1973. Jacques-Alain Miller, gendre de Lacan depuis 1966, suggère de s'atteler à la tâche et de traduire, transmettre, transcrire (on choisira le substantif ad hoc selon son école) les conférences existantes. Banco, dit Lacan. Mais il émet une réserve : il veut que Miller, brillant normalien, soit seul à bord du navire, qu'il restitue le ton oral, le rythme des leçons tout en donnant un style écrit à la chose parlée. Exigence assez schizophrène, mais l'intercesseur s'en sort. Quatre séminaires sont publiés au Seuil entre 1973 et 1981. Jusque-là tout va bien. La suite est moins jubilatoire. Entre 1981 et 1986, c'est le silence radio. A tel point qu'en 1983 l'association d'analystes Après fait paraître dans son bulletin, Stécriture (le jeu de mots est signé Lacan), plusieurs séances du cours sur le transfert. Passera, passera pas ? L'héritier les poursuit pour contrefaçon.
Ça ne passera donc jamais, se disent, découragés, tous ceux qui possèdent des transcriptions, des notes, du matériel et qui souhaitent collaborer à l'édification du monument. Faudra-t-il attendre – des décennies ! – que l'oeuvre tombe dans le domaine public ? Le gardien du temple ne veut rien savoir. Il est l'unique exécuteur testamentaire, il en tire d'assez drastiques conséquences. Et, à supposer que ce legs soit d'un poids démesuré, il n'en laisse jamais rien paraître, ce qu'on peut trouver courageux ou amusant, au choix.
Reste que la prose lacanienne consommable à ce jour est un peu rebutante. Certes, on peut s'abîmer dans les Ecrits, mais ce qui attire aujourd'hui un nouveau lectorat, ce sont ces mystérieux séminaires où le charisme de l'homme au noeud papillon soulevait l'assistance.
Débuter une séance sur l'inconscient freudien par la citation d'un court poème d'Aragon, tiré du Fou d'Elsa, tel était le genre de délices littéraires auquel ce linguiste virtuose avait habitué ses disciples. Par surcroît de fantaisie et de suspense, le texte en question était même dédié aux nostalgiques d'une ancienne conférence interrompue. On était entre initiés. Il fallait suivre ou se dissoudre. C'était ça, le label Lacan : un sens inimitable de la paraphrase et de l'autocélébration sans que jamais quiconque y trouve rien à redire, puisqu'en digressant il les divertissait tous.
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Dans le même Figaro Littéraire
Nathanaël Majster : «Les séminaires font partie du patrimoine national»
Secrétaire général de l'Association des amis de Lacan, Nathanaël Majster demande pourquoi seulement neuf séminaires sont aujourd'hui édités, sur les vingt-six existant.
Propos recueillis par Elizabeth Gouslan
LE FIGARO LITTÉRAIRE. – Pourquoi votre association s'acharne-t-elle à ce point pour faire publier les Séminaires de Jacques Lacan ?
Nathanaël MAJSTER. – Les Séminaires sont le meilleur moyen de découvrir ce penseur parce leur style oral les rend attractifs, accessibles et extrêmement riches. Malheureusement, sur les vingt-six séminaires existant, il n'y en a que neuf qui soient aujourd'hui édités.
Pourquoi ?
Parce que Jacques Alain Miller, qui est le gendre et l'exécuteur testamentaire de Lacan, a voulu qu'il en soit ainsi. Il est le chef d'une école psychanalytique importante, il joue un rôle de maître à penser et j'ajoute que les neuf séminaires qu'il a publiés au Seuil sont truffés de contresens, de fautes grossières non corrigées.
Où peut-on lire et étudier les séminaires manquants lorsqu'on est intéressé ?
Nulle part, il n'y a ni archives ni fonds déposés dans les bibliothèques.
Et quand on est psychanalyste, comment y a-t-on accès ?
De manière clandestine. Chaque école possède ses versions mais elles sont non homologuées, si j'ose dire. Jacques Alain Miller a toujours refusé de les prendre en compte. Du vivant de Lacan, les conférences ont été sténographiées. Et puis, après sa mort, des élèves attentifs ont élaboré les textes, modestement mais avec fidélité.
Combien sont-ils, ces intercesseurs discrets ?
Ces élèves sont innombrables, il y a des dizaines de personnes qui ont travaillé sur ces séminaires. Sur Internet, circulent d'ailleurs d'assez bonnes versions, mais on reste en effet dans l'à-peu-près et cela ne remplace en aucun cas le travail éditorial que nous attendons tous et qui tarde à venir.
Pourquoi Jacques Alain Miller ne censure-t-il pas ces textes d'internautes ?
C'est une contradiction, en effet. Disons que ces textes sont à usage interne. Ils servent à calmer le jeu. Tant qu'ils en disposent, les psychanalystes ne sont pas trop revendicatifs et, du coup, l'ensemble de la société analytique se contente d'une situation qui est extrêmement dégradée.
A quoi attribuer le retard dans la publication des Séminaires ?
Tout dépend tout simplement de la bonne volonté de l'exécuteur testamentaire. Aujourd'hui, il reconnaît publiquement que la tâche est énorme et qu'il n'en vient pas à bout. Mais en même temps, il refuse toutes les transcriptions que nous lui donnons. Et il semble que domine, dans son refus, une sorte de ressentiment, de résurgences de vieilles querelles personnelles ayant opposé à tel ou tel élève de Lacan qui donnerait maintenant sa contribution.
Lorsque vous lui avez demandé où il en était dans son travail d'élaboration, que vous a-t-il répondu ?
Nous l'avons rencontré deux fois et il s'est déclaré ouvert à des discussions sur des formes concrètes de collaboration. Lors de notre troisième entretien, il nous a remis une interview de lui qui circule sur le site Intranet de son école. Ce fut sa manière de nous confirmer qu'il continuait à dialoguer.
Autrement dit, il va à son rythme ?
Oui, mais vingt-trois ans ont passé depuis la mort de Lacan ! C'est désespérément long, convenez-en. «Je vais mettre en place un plan d'édition rapide, les enregistrements seront à la disposition du public», répète-t-il. On ne voit rien venir. Chaque fois que l'on grogne un peu dans le champ psychanalytique, il réitère ses promesses. En vain.
Que proposez-vous concrètement pour faire avancer ces séminaires immobiles ?
Un comité éditorial de trois personnes (dont Jacques Alain Miller ferait partie) piloterait le projet. Il s'agit, essentiellement de doter l'édition des séminaires d'un appareil critique et d'un livre introductif distinct pour chaque volume. Cela offrirait une meilleure présentation des textes pour le lecteur contemporain. Soyons clairs : les références logiques, sémiologiques, linguistiques, anthropologiques de l'époque sont assez incompréhensibles pour quelqu'un qui découvrirait tout cela aujourd'hui sans explications.
Quel est le volume de ce chantier ?
Cela doit représenter entre 16 000 et 20 000 pages. Cela dépasse ses compétences. Par exemple, il ne connaît pas le grec, mais il a mis sur le marché un séminaire sur l'éthique de la psychanalyse où Lacan commente Antigone de Sophocle. Jacques Vidal-Naquet lui a écrit une longue lettre, relevant ses innombrables erreurs. Miller a prétendu n'avoir rien reçu. Vidal-Naquet lui a réécrit et, quelques années après, certaines fautes ont été rectifiées.
Comment allez-vous agir ?
Nous avons décidé d'engager des actions rectificatives afin de poser une question très simple : que se passe-t-il dans ce pays lorsqu'une oeuvre de l'esprit n'est pas divulguée ? Est-ce qu'on doit considérer que c'est un bien privé dont l'exécuteur testamentaire dispose comme d'un portefeuille boursier ? Sur le plan juridique, Jacques Alain Miller est dans une situation sans issue. Car c'est une action qui existe dans le code de la propriété littéraire et artistique. Elle reconnaît la possibilité d'agir quand il y a abus de non-divulgation.
Et si vous publiez à compte d'auteur vos transcriptions des séminaires ?
Nous ne le ferons pas sauf si le tribunal nous l'autorise. Ce serait effectivement une victoire. Mais une victoire paradoxale : les droits d'auteur iraient à Miller !
Y a-t-il beaucoup d'analystes dans votre association ?
Non, parce qu'ils sont malheureusement indifférents à ce problème pour une raison très simple : Ils ont leurs propres textes. Un trésor privé pour un petit cénacle. Ils étudient les séminaires entre eux mais ne se battront pas pour leur publication. Nous, nous estimons qu'il s'agit du patrimoine intellectuel du pays. Nous voulons que de nouveaux lecteurs découvrent ce grand penseur. Ni Barthes, ni Foucault, ni Althusser, ni Derrida n'ont connu un tel sort après leur mort. Pourquoi Lacan ?
Revue de presse
Psychothérapies, élément d'un débat
Réglementer l'impossible Cartel des Constituants de l'analyse freudienne
Pour une front du refus René Major and ... 1 + 1 + 1
Manifeste pour la psychanalyse 1 + 1 + 1 +