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REVOLUTION-PSYCHANALYSE - Manifeste pour un mouvement révolutionnaire au sein de la psychanalyse

 


Manifeste pour un mouvement révolutionnaire au sein de la psychanalyse

Une psychanalyse tournée vers le Réel, qui en a saisi la dit-mension ne peut être qu'orientée... politiquement. 

Un texte de Daniel Demay


Lettre à un(e) ami(e)

Position de l'inconscient: « Ce n'est pas le résultat, la fin qui compte, c'est le chemin que l'on emprunte ».

 

1Préambule

 

Le rapport entre psychanalyse et politique m'a toujours interpellé. Lorsque  je suis allé voir un analyste, il y a 30 ans de cela, la question politique s'était déjà posée. Pour le jeune "révolutionnaire" que je m'imaginais être, franchir le pas de la porte d'un psychanalyste était  à l'époque incompréhensible dans le milieu militant que je fréquentais. Ce passage était vu comme une trahison bourgeoise. Les psychanalystes, étaient associés à des bourgeois, des notables trop bien en place que pour entendre quelque chose de l'Idéal révolutionnaire sinon pour le fourvoyer dans les impasses d'une récupération sociale, d'une intégration à l'ordre du discours capitaliste.

Les figures de Freud, les positions institutionnelles des différentes écoles et mouvements d'analystes m’apparaissaient comme fermées et  mettaient en avant un esprit de caste et d'  « élection » contre lesquels je ne cessais d’une part de résister. D’autre part, mon complexe de castration, ma position d’analysant soumis au supposé savoir de l’analyste que j’étendais à l’analyse, m’empêchaient de soutenir une position franche de ma parole.

Certes, des rumeurs couraient. Une personnalité équivoque sévissait en France et il soufflait un vent nouveau, un souffle régénérateur et subversif.
La question du traitement de la souffrance humaine pouvait-elle être compatible avec l'Idéal révolutionnaire?
L'appel à la Justice, à l'amour, à la fraternité, la plainte de la révolte pouvaient-ils trouver un lieu pour leur vérité ailleurs que dans la gageure claustrophobe des constructions politiques et politiciennes conduisant aux mêmes impasses que celles qu’elles dénonçaient à l'entrée?
La pensée de Lacan, s'imposait à moi- dans un raccourci de quelques signifiants que j’avais sans doute très subjectivement élus- comme celle qui promettait de faire un sort à toute ségrégation, à partir de l’abord qu’il décidait de faire à la folie. La psychose n'était pas ce devant quoi devaient renoncer les psychanalystes.

L'espoir d'un soutien à l'âme humaine dans sa forme la plus décriée, la plus bannie aussi, et la plus interpellante pour l'ordre social, prenait pour moi non seulement valeur d'un combat des justes mais surtout valeur d’une position d’ouverture qui ne déniait pas la possibilité qu’intrinsèquement, à cette figure du destin, nous puissions peut-être chacun avoir à faire. Et qu’en nous, sans que cela soit voué à la malédiction, un noyau de folie, un noyau psychotique soit peut-être à considérer et à aimer.

C’était comme si quelqu’un, dans la position prestigieuse qu’il occupait, nourrissait d’une reconnaissance infinie, l’ombre, la face cachée de nos pièces de monnaie ; pièces de monnaie qui par le visage qu’elles présentent de nous, nous permettent de circuler dans l’échange.

Au moins un homme dans cette contemporanéité si tourmentée reconnaissait à l'histoire humaine sa nécessité et son devoir de donner aux "fous", à la maladie mentale, aux psychotiques dont je ne savais pas si mes passions n'en relevaient pas, une reconnaissance, un amour les élevant à la plus belle des dignités.

Une part de nous nous échappe, et quoique cette part nous définisse aux yeux des autres, quoique fut ou soit le jugement  qui nous attribuerait une figure pour l’autre, nous n’en sommes pas les assujettis. Notre propriété de parlêtre, d’être au langage, a des effets que la conscience, que le moi ne saurait considérer. Ainsi, nous sommes et devenons tous des êtres de la marge, qui déposons nos paroles comme des gestes tirés du puits inconscient de nos actes dans le seul jugement qui nous incombe : celui de nous dire. « Dire », c'est là, Chose la plus difficile.

Et nous y sommes, « alea jacta est », dans la responsabilité inconsciente du dieure… Et tous les noms des dieux, et de tous les saints peuvent  défiler, c’est à l’histoire, c’est à la grâce du dieure que nous allons.
Responsabilité… qu’on s’y entende, c’est celle de l’ouverture, du signifiant qui ouvre, qui nous sépare.

 


J'entendais dans ce qui me revenait de cet homme-Lacan,  que le désarroi le plus immense pouvait recevoir le soin d'une attention des plus précieuses et que le ciel, à défaut d'être une réserve d'anges, s'y retrouvait, que sa mamelle était bonne, et que les mots, disent-il des maux, s'étendaient  comme du lait, jusqu'à plus soif d'un apaisement: sourire aux anges.



Et dans ce nid d'entendement, pour moi, rien que pour moi, qui avait du partager un ventre et une naissance, je voyais, l'annonce du plus intense des engagements à retrouver le monde.
Enfin, me disais-je, le secours des hommes trouverait-il là son expression de chair et de pratique, dans l’accompagnement  d’une promesse de nous remettre à l'heure, à l'heurt d'un destin autre où l'on pourrait enfin se retrouver à l’air, dans l'aire d'un être, de son espace, dans sa respiration, au croisement de l’ invention de son destin, dans son dessein, comme à sa trace, à son dessin et à son corps perdu de dit-mension ? Car la dit-mension vient comme un reste, le substrat de la terre, comme l’ humus épandu, son « sicut paléa ».  Elle est notre litière faisant r-évolution et retour du temps à celui de l'urne chaude, tiède d’une animalité que l'on peut cotoyer, avec laquelle on peut être en amitié. Une perte certes, mais apprivoisée, drapée  dans le sublime.

Je n’ai aucune honte à dire d’où je viens ; nous venons tous du sexe de notre mère avec l’intervention d’un père. Je viens du sexe de mammaire avec l’intervention d’impair. Et ce serait parjure de réserver cela à l’oreille de quelques uns, dans une passe rendue secrète comme une vivisection de secte, un culte occulte de sacrifice à l’ordonnance d’une messe noire et d’un clergé.

Non, je ne veux pas, je ne peux pas me soumettre à ça, à l’orifice de ce blasphème, à son règne de  procédure, à ce laissé pour compte d’une admission, d’un jugement venant de l’Autre par son clergé : « Collège de la passe, cartel de la passe… » Jugement double, double sanction, et séduction du rituel, pour y entrer et puis à la sortie, cette sanctification.Amen.

Il faut trouver autre chose pour faire qu’on puisse s’y reconnaître.

Je le dis ouvertement à tous, comme texte d’une couverture, un poème, une texture où s’entremêlent, et la recherche du sens et l’effort humble de la beauté. Car je veux dire dans l’épisode du beau, aussi dans l’esthétique. Car je crois à la beauté du dire en chacun et nonobstant que nous ne sommes pas tous nés poètes, nous sommes tous nés de lalangue.En bien et en mal. Elle est à retrouver dans l’analyse et donc, nous sommes bien capables, même tous capables d’atteindre pour nous à ce bien dire qui ne demande que la place de nos  mots, celle de nos maux, dans des  sons, des phrasés pour mettre bout à bout un terme à ce tabou de l’incapable, de l’impuissance. Oh ! vile impair, de la venue du Père qui tonne : « Je te castre ! Tu  ne sais pas ! »

Nous sommes, psychanalystes, dans  la teneur d’une richesse de ce trésor à nous écrire…à défaut parfois de pouvoir s’entendre. Quand C.Soler écrit « L’inconscient réinventé », moi, ça me parle !

Dès lors, nous sommes aussi à nous parler par ces écrits…d’une écriture qui « ne cesse pas de ne pas s’écrire », qui nous ramène à l’impossible.

Comme il est beau pourtant cet impossible, ce réel ;  comme elle devient belle, la castration.

Nous sommes dans cet art là, d’un dit, d’une parole qui s’écrit, qui fait écrit.

L’acte analytique, artifice du semblant, un feu, une fulgurance dans un éclair qui se saisit. Cela, seul, reste .


Que pourrais-je dire un jour ou non, de ce que je suis un homme? Car là était ma question de ne pas savoir si même j'en étais un, dans le plus terrible des égarements. C'est avec cette misère étrange d'être né parlant, et dans la confusion de cet état où je n'étais pas un autre, où je portais mon nom, où j'étais misérablement le porteur de ce nom, de ce qui en avait fait l'histoire, où je me trouvais comme à ma destination, à bout de course, à bout de souffle, que d’épuisement de ne plus pouvoir le supporter ce « non », je me rendis au pré d'un analyste.

"Seigneur Dieu!" mais qu'il fut bon, ce soulagement de trouver l'herbe où me coucher pour prendre au fil des entretiens la mesure de ce soin. Comme l'âne mange le foin et puis l'avoine.

 

Car cela me susurrait. Et combien parler dans une oreille qui vous revient, est un fardeau qui ne cesse plus de se vider dans un dépôt qui fait de vous un reste, une brindille, pièce par pièce, épluchure par épluchure,  qui vous enmène envers et contre tout, par petits vers, par ces extraits de mots rongeurs de votre moi, à ce dépouillement du poids qu'il y aurait sinon à vivre. Longueur du chemin, irrésolution du cheminement jusqu'à la dépouille du dépouillement : le rire de ne pas savoir. Et la complicité immense de ce que l’ignorance est partagée.

 

Cela vous donne un goût de liberté, une jouissance de ne plus rien savoir, tandis que malgré tout vous persistez à être là, que vous continuez bêtement à vivre,et  que vous êtes ce souffle d’ une respiration idiote.

Mais même si ce fut par ce Lacan, qui continue à vivre par « ses enfants », même si mon analyse a trouvé sa fin, que pour moi a sonné l'heure de l'analyste chez une lacanienne et par sa faille,  les lacaniens n'échappent pas à ce que je perçois d’impasse, et ils restent dans leurs institutions, attachés à des formes et à des procédures, néanmoins comme au labeur d’ une savante entreprise glissant vers une ségrégation qu’ils ne souhaitent pas mais qu’ils s’imposent malgré tout avec la peur au ventre de ne pas se reconnaître 



La suite sur Révolution-Psychanalyse

26/10/2014
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