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Jean Oury tel que je l'ai connu, par Stefan Chedri

 

HOMMAGE À JEAN OURY

Samedi 27 Septembre 2014

 

Intervention

Stefan chedri

 

Je l’ai rencontré en 1976, 38 ans…

C’était, durant toutes ces années, une transmission dense, intense, et, à la fois discrète et légère. C’était Oury.

 

Je vais faire quelques évocations personnelles, sur ce qui m’a touché, sur ce qui me semble être sa manière de penser l'expérience psychiatrique, qui a été la sienne….

 

****

J. Oury avait une pensée surprenante dans ses façons, ses démarches, ses approches, ses questionnements. Il y avait comme une gestualité dans sa pensée, car ses réflexions se centraient dans le concret.

C’était au cœur et à partir du concret des phénomènes, que ses mots émergeaient, ses idées croissaient et grandissaient…

 

Pour Oury, penser c'est bâtir dans le concret,

            "Il n'y a pas plus concret qu'un concept", disait-il.

 

Un concept est une pensée concrète, et c'est là, un outil pour la pratique.

                       "Se construire une boîte à outils", disait-il.

 

 

Et, ce qu'il visait dans le concret, c'est le plus singulier ; ce n'était possible de l'approcher que par :

            - Le ténu, le subtil, les modalités, le qualitatif, les événements, les écarts etc..

                       : "Balayer pour ramasser les miettes, c’est la moindre des choses", disait-il.

 

 

Une pensée sans dogmatisme, sans parti pris, sans préjugé, jamais directe, tout en détour, en courbe…

 

Il se méfiait des affirmations trop tranchées, des certitudes, des évidences…

 

Il considérait que c’était toujours plus complexe : « C’est plus compliqué, pas simple », disait-il.

 

Il cherchait toujours à nuancer, à élargir la palette des nuances : 

-       par une grande richesse de références culturelles et théoriques,

-       par des transferts de concepts, d’un champ théorique à un autre.

 

 

Oury s'autorisait à prendre là où cela lui semblait bon, pour avancer dans sa pratique ou ses réflexions…

            Phénoménologie, philosophie, neurologie, politique, psychanalyse, linguistique…

 

Il articulait des références théoriques, des concepts, de manière toujours rigoureuse.

 

            Quelle est l'articulation logique ? disait-il souvent.

 

 

Évidemment, ce n’est pas une logique binaire.  

Mais plutôt,

Une logique du flou, de l'événement, des modalités…

 

Oury avait une manière bien à lui d'articuler (ses références etc.)

 

"Il faut être balayeur et pontonnier ", disait-il.

 

Il aimait construire des ponts autant dans la pensée, que dans la pratique :

- Construire des ponts

- Ouvrir des passages

 

Pour illustrer 

   Quand je l’ai rencontré il m’a donné à lire :

-       «  Mémoires d’un révolutionnaire « de Victor Serge,  anarchiste russe

-       « Regard, espace, parole - les aîtres de la langue et le legs des choses,  dans l’œuvre de Francis Ponge », Henry Maldiney 

-       Et « le cortex cérébral » d’Ajuriaguerra.

 

C’était mes devoirs pour aborder la psychothérapie institutionnelle : neurologie, philosophie esthétique et politique.

À moi de construire les ponts.

 

 

J. Oury créait des « sympathies entre des parties éloignées ». Il travaillait les tensions pour trouver la solidarité des écarts entre les références.

 Mais surtout,

            Il travaillait les tensions, entre références ou/et concepts, pour créer d’autres passages, d’autres ouvertures.

 

Pour qualifier sa manière de penser les articulations, il me vient deux mots :

            Tension et appui mutuel

Et un troisième

            Conspiration.

 

Une conspiration des références, des concepts :

Et

Ce qui commande, détermine l’ensemble, ou ce pourquoi tout cela conspire,

c'est :

-       L'Existence des psychotiques

Et

-       Les tâches concrètes de la vie quotidienne en institution psychiatrie, que l’Éthique impose.

 

 

Depuis avril 1953, un printemps, Oury a balayé et construit des ponts

            - Il a construit une pratique de soins psychiatriques sans protocole. Ne jamais systématiser une pratique qui n’est pas une méthode.

 

Mais plutôt,

 

            - Une pratique faite de "bonnes manières," pour "organiser", "programmer" le hasard, l’événement.

- Une pratique attentive à l’inattendu, à l’imprévisible,

            - Une pratique d'agencements concrets pour qu’il y ait du possible.

 

 

Il y a peut-être à recueillir, s’approprier la richesse d’une expérience et d’une pensée et les apports de Jean Oury, pour la théorie des psychoses et une autre psychiatrie…

 

Il y a peut-être quelque chose de nouveau à penser pour nous.

            À reprendre et à concrétiser en fonction des contextes et des contingences.

 

 


Stefan Chedri 


Stefan Chedri est psychanlyste, membre d'espace Analytique 

Espace analytique

Association de Formation Psychanalytique et de Recherches Freudiennes

 

04/11/2014
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