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La psychanalyse fascine tout autant qu'elle dérange
INTERVIEW - Dans son livre : «L'Effet divan, éloge de la psychanalyse à l'usage de ceux qui veulent déployer leurs ailes» (Éd. L'Harmattan), Valérie Blanco, psychanalyste, défend une profession qu'elle juge efficace et bien trop souvent décriée.
Pascale Senk interviewe Valérie Bianco
LE FIGARO. - Vous avez choisi d'écrire un livre de défense de la psychanalyse… Pourquoi en a-t-elle besoin?
Valérie BLANCO. - Curieusement, l'analyse s'est tellement banalisée, on a dit sur elle tant, et dans tous les sens, qu'il m'a semblé nécessaire de préciser ce qu'elle est - et ce qu'elle n'est pas - réellement. Aussi, depuis plus de cent ans, ce lieu de parole secret, si intime, fascine tout autant qu'il dérange car il peut avoir des relents «d'initiation ésotérique» aux yeux de certains. Son côté novateur, voire révolutionnaire, peut s'être émoussé dans les esprits. Il faut donc à la fois réaffirmer sa modernité et son efficacité.
En quoi est-elle si moderne?
La cure analytique est un lieu de parole libre, totalement différent de tout ce qui existe. Car être écouté par un analyste, cela n'a rien à voir avec se confier à un copain, une mère, un «spécialiste» qui cherchent tout de suite des solutions pour vous. L'analyste, celui qui a l'expérience d'avoir été lui-même écouté ainsi, peut prendre son temps - et vous laisser le vôtre - afin de repérer le programme inconscient qui vous muselle, vous fait répéter les mêmes errances.
Dans notre monde qui se globalise et s'uniformise, la cure est l'un des rares espaces où l'on cultive l'unique, le cas par cas. C'est du «sur-mesure» qui postule que chacun, s'il accepte d'aller regarder dans sa faille, de parler de ce qui le fait souffrir, de ce qui rate, pourra opérer un renversement et y trouver une force d'être.
Mais elle ne fait aucune promesse, elle est juste une invitation. En ce sens, elle a une fonction subversive par rapport à notre monde moderne mû par une logique de profit et d'évaluation.
Oui, mais comme la psychanalyse n'a pas été évaluée, son efficacité se retrouve mise en cause… Quels sont les effets que vous observez dans votre pratique?
Si on espère être sauvé ou guéri par miracle, c'est vrai, on sera déçu car l'analyse ne promet pas de solution «clés en main»! C'est un long voyage, qui prend du temps. Mais, comme j'en témoigne dans mon livre, je sais grâce à ma propre analyse combien celui-ci permet de déployer ses ailes! On y gagne à la fois en allégement - les relations, les actes à accomplir dans la vie devenant plus simples, moins chargés d'angoisse -, mais aussi en consistance: on devient conscient de son propre désir, on a moins besoin de passer par les desiderata des autres. Mais tant qu'on ne l'a pas expérimenté, on ne peut le croire!
Qu'est-ce que les psychanalystes comme vous doivent faire évoluer pour la rendre encore plus utile à nos contemporains?
Ils ont sans doute un effort de «traduction» à faire pour faire connaître ce qui se passe en cure analytique de manière quasi pédagogique. C'est ce que j'ai entrepris avec mes livres. Il faut aussi continuer, comme cela se fait depuis une dizaine d'années, à insérer la psychanalyse dans la cité, la rendre accessible, grâce à des dispositifs d'accueil souples et variés, au plus grand nombre, notamment à certaines populations comme les jeunes déscolarisés, les adultes en rupture avec la société, toutes les personnes qui sont dans une forme d'errance et qui ne sont pas à même d'avoir l'idée de pousser la porte d'un cabinet médical classique. Actuellement, des dispositifs se montent, qui «viennent» à elles. Et notamment par des consultations gratuites.
@ Le Figaaro