Chaque visage est le Sinaï d'où procède la voix qui interdit le meurtre - Lévinas

N'oublie pas

N'oublie pas

 


N'oublie pas de te souvenir que tu es fragile
que tu te froisses aussi facilement que tu te déplies

N'oublie pas que tes os se cassent comme un rien qu'ils ne sont pas

N'oublie pas de te souvenir que si l'éternité t'habite tu ne l'incarnes pas
éternellement

N'oublie pas de ne pas glisser au fond de l'abime
ni de te lever en pleine nuit pour sauver une âme en péril

 
N'oublie pas de te reposer et d'accueillir la main secourable

 
N'oublie pas que la fontaine s'épuise lorsqu'elle ne se ressource pas

 
N'oublie pas de respirer hors de l'eau

 
N'oublie pas de te souvenir quand tu saignes 
ni n'attends de saigner pour considérer ta douleur 
ou que ton cœur se brise pour commencer à l'écouter

 
N'oublie pas que les cris muets que tu pousses en plein jour ne s'entendent pas, parce que ... c'est comme ça

 
N'oublie pas de dire et de taire aussi

 
N'oublie pas que déjà tu naquis et que c'est peut-être l'unique fois

 
N'oublie pas les marées avant qu'elles ne t'emportent 
et que le sirocco ne t'apprendra pas à voler.
N'oublie pas de te souvenir que tu as été aimé

 
N'oublie pas d'oublier tout ce dont tu as douloureusement manqué

 
N'oublie pas de ne pas oublier que les lendemains chantent
Parfois
N'oublie pas ton droit de lâcher un soupir

 
N'oublie pas de te souvenir que tu as un corps même lorsqu'il s'effondre

 
N'oublie pas la nuit pour rêver et le jour pour jouer
ni les heures à rêver et les nuits à jouir
N'oublie pas le plaisir

 
Ni les larmes ni le sourire 
le parfum du jasmin
le charme de l'églantine 
le thym, la lavande, le romarin

 
N'oublie pas de te souvenir que la bise est cinglante, et qu'il suffit d'un rien pour que parfois tu te brises

 
N'oublie pas de te soutenir
de tous tes rêves
tes plus beaux souvenirs

 
N'oublie pas de marcher pieds nus sur le sable chaud, de courir dans l'eau,
ni la caresse du soleil en hiver sur ta nuque et le long de ton dos

 
N'oublie pas les pleurs qui t'allègent quand tu te sens fondre comme neige

 
Ni la goutte de sang qui a perlé sur le carrare du visage de l'enfant

 
N'oublie pas la hantise qui a foudroyé le cristal de tes nuits.

Virginie Megglé
01/03/2018
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