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Paradoxe de l'anorexie
Comprendre l’anorexie…
Entre fusion et rejet : paradoxe de l’anorexie et désirs inconscients
Tout d’abord, je crois qu’il est impoortant de souligner qu’il y a,
d’une part, divers degrés « d’anorexie » . Autant « d’anorexies » que d’anorexiques. Donc pas UNE façon de se soigner – et de guérir - mais autant de façons de prendre soin de soi – et d’appréhender la maladie - que de personnes.
D’autre part qu’il y a plusieurs étapes dans la guérison. Etre guéri pour le corps hospitalier ne correspond pas toujours à un sentiment personnel de guérison.
L’entourage n’est plus inquiété, mais le malaise persiste : au pire des cas, après plusieurs « guérisons », c’est le drame final… le dénouement fatal.
On ne peut demander à un enfant de ne plus souffrir pour faire plaisir à ses parents.
Souffrir n’est pas une partie de plaisir.
La personne qui éprouve des difficultés à se nourrir souffre en général non seulement de faire souffrir. Mais aussi que sa souffrance lui soit en quelque sorte reprochée.
Enfin, la guérison doit être abordée différemment bien sûr selon les âges
Cependant, à travers une approche sensible, je vais essayer de poser des mots sur un mal qui peine à trouver les mots pour se dire.
Tout en m’appliquant à ne pas l’enfermer dans ces mots. Mais à comprendre ce qui se joue dans l’inconscient et essaie de se dire par la difficulté à se nourrir, et la sensation de ne pas en ressentir l’utilité.
Partant du principe que tout symptôme veut dire quelque chose qui ne sait se dire autrement…le sympôme anorexique est paradoxal puisque c’est à travers l’effacement que l’anorexie s’affirme : Et l’on doit voir en cette affirmation plus un « programme de survie » et une stratégie de résistance à la souffrance, qu’une volonté de mourrir ...
On remarque que
même squelettique, l’anorexique se trouve en générale « trop » (trop grosse) . Comme si elle ou il (Michaux, et Kafka l’auraient «été) gênait, comme si elle ou il dérangeait, comme si, à peine existante, elle ou il craignait encore de ne pas être aimable. Comme si ayant envie de s’aimer, pour exister, elle se supportait mal à travers l’image (ou des détails de l’image) que le miroir lui renvoie.
On remarque aussi que le premier « miroir » est le regard maternel, et le visage que renvoie ce regard .
Tantôt admiratif, tantôt possessif… Tantôt froid, tantôt indifférent, tantôt dévorant tantôt exterminant
Le second, à priori, étant celui du père : tantôt réconfortant tantôt absent tantôt friand
On peut penser qu’un enfant qui se supporte mal a peut-être senti que sa présence était mal supportée.
Que ce qui lui était demandé, ce qui était attendu de lui, le troublait ou ne correspondait pas à ce qu’il croyait être.
La demande a pu êre abusive (il paraîtrait, selon le site AIVI, que cinquante pour cent des anorexiques ont été victimes d’inceste[1]). Mais par demande abusive, j’entends une demande que l’on adresse à quelqu’un qui n’est pas en mesure de satisfaire à cette demande.
Ainsi l’enfant a pu ressentir une demande, directe ou indirecte, le plus souvent tacite, comme: « soit autre que tu es » « ou autre que ce que tu aspires à être » « soit l’objet de mon désir ». Et souvent trouble est le désir.
Ainsi, l’enfant, chez qui se déclare le symptôme anorexique, est souvent un enfant écran sur qui trop de projections parentales ont été portées.
Certains signes font prendre conscience que se trame dans l’inconscient quelque chose qui cherche à se faire entendre. La souffrance étant (d’un point de vue éthymologique) ce qui est portée en dessous de la manifestation apparente, on peut se demander ce que souffrance veut dire, ce qui cherche à se faire entendre à travers ce cri du corps qui s’efface.
La maladie s’installe parfois à la faveur d’un régime amaigrissant. Le régime n’est pas la cause mais le déclencheur de ce qui couvait auparavant.
Lorsque l’on sait que des nourrissons sont anorexqiques, on peut penser qu’il ne s’agit pour eux de régimes amaigrissants ! Mais que c’est bien une mise en cause des soins (ou de l’absence de soins) reçus. Et une prière qui demande à être entendue.
Elle surgit le plus souvent à un moment où l’on ne peut plus s’aimer, où l’on ne se sent plus assez aimé, ou pas assezaimable. Comme s’il était impossible d’être à la place que l’on nous assignait. Comme si une souffrance, non reconnue, nous habitait, comme si les soins et l’attention qui nous étaient prodigués ne nous concernaient pas.
Difficulté à se nourrir « normalement ». Sensation de douleur et d’inassouvissement. Désir d’aimer et d’être aimable. Envie et peur de trouver plaisir. Besoin de bon. Manger à peine - manger un peu. Juste de quoi se maintenir, mais que ce peu - fasse du bien et surtout pas de mal… Dégoût irrespréssible pour certains aliments. Volonté de les éviter - pour éviter le sentiment de « basculer » de l’autre côté, éviter - surtout - le sentiment de dégoût. De l’impossible à vivre. D’une infinie douleur. Et l’amertume qui s’ensuit..
L’anorexie est ainsi une tactique d’évitements, de plus en plus nombreux, car rien ne supprime tout à fait ni la sensation d’excès ni la sensation de dégoût.
Elle ne naît pas par hasard, elle ne sort pas de nulle part.
Elle est le plus souvent révélateur d’un mal-être familial ou d’un dysfonctionnement généalogique (ou transgénérationnelle) . Et exprime la nécessité d’établir de plus justes, de plus équilibrantes, de plus saines relations.
Soigner l’anorexique revient à prendre soin de la famille qui l’abrite pour rétablir une communication brouillée par trop de drames ou de malentendus. Parfois trop de permissivité. Différentes approches peuvent permettre ce remaniement.
C’est en général quand celle-ci – la famille - refuse de se mettre en questions, de se soigner, que l’enfant disparaît.
Quand ce qui est reçu (ou ce dont on est privé) communique trop de douleur pour pouvoir être supporté sans trop faire souffrir à son tour et souffrir de se faire reprocher sa souffrance, il ne reste qu’à se se fondre dans la nature faute d’avoir pu se dire autrement.
On ne peut prétendre « guérir » un enfant si l’on n’accepte de modifier la « nourriture » (affective et spirituelle) qu’on lui dispense en tenant compte - aussi - de ce qui nous parvient de sa volonté.
Le symptôme étant la difficulté et même l’impossiblité douloureuse de se nourrir. … il met en scène ce qui se passe et se transmet à travers l’alimentation : celle-ci, d’abord maternelle, met en cause la mère, mais surtout les dits et les non-dits, les consentements et les dénis transmis à travers l’alimentation. Ce qui s’y traduit des liens familiaux. Avec le consentement (tacite) du père. Il peut être entendu comme une contestation du « régime de vie proposé » et l’expression d’une diffiulté à avaler certaines nourritures affectives . Comme un appel au secours – pas à n’importe quel secours - pour dire un sentiment d’abandon et de trahison, réactualisé ou exacerbé par un événement, à un moment de l’histoire qui suscite « un retour en masse du refoulé »… De l’impensé…
Il arrive que des orphelins soient anorexiques : on peut comprendre que ce n’est pas la mère - en tant que personne qui est visée par ce refus de la nourriture mais la vie qui à travers celle-ci se transmet ou ne parvient à se transmettre. Ce qui en elle porte atteinte à l’intégrité de l’enfant, ou entrave son développement et l’acquisition de son autonomie.
Disons que… c’est l’incarnation maternelle et maternante qui serait mise en cause ! (À travers la lignée maternelle et/ou paternelle)
La guérison passe d’abord par un détachement de la mère et de l’enfant, une modification en profondeur de la relation. Mais un père qui n’a su sauver l’enfant de la mère, un père qui n’a pu empêcher ce « mauvais traitement », est aussi responsable que la mère.
Ni l’un ni l’autre n’étant coupables, car eux aussi souffrants de leur empêchement…
Mais nul ne peut guérir sans retrouver en soi le GOUT de vivre. Et de quoi le soutenir. A travers un réseau qu’il sent d’abord amical.
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Maintenant, autour de quelques termes qui reviennent fréquemment pour décrire qui en souffre, je vais tenter d’approcher, à travers dits et non dits, quelques effets de transmission et de projections d’inconscient à inconscient … en matière de désir.
Refus de la féminité : je pense moins à un refus de la féminité, qu’à une difficulté à définir son identité pour devenir femme. À une difficulté à s’identifier à travers le désir maternel. La mère peinant à laisser grandir son enfant, à le voir, le regarder, l’entendre autrement que s’il était son objet. Objet de culpabilité, de désir ou d’indifférence..
Autrement dit, difficulté de grandir – de se développer - dûe à la crainte de se séparer - de « se dépareiller » d’une mère dont les « représailles » redoutables rendent la séparation d’autant plus dramatique, que des effets de trahison vécue et intériorisée compromettent l’avancée.
Le refus reste celui d’absorber « une certaine nourriture (en partie féminine, car maternelle) » et d’entrer en correspondance avec l’image sexuelle (et sexué) que mère - et père - renvoient.
Il peut s’agir aussi, dans certains cas, d’une crainte de « reproduction » (par voie sexuelle) d’une faute commise et qui a engendré ce trop de souffrance.
Mensonges et dissimulaton : on parle de dissimulation et de mensonges. Mais l’un et l’autre sont des recours pour échapper à l’attention, à la pression qu’exerce un certain style d’attentions (maternantes ou envoûtantes) quand on aurait besoin d’une autre attention (plus profonde et rassurante).
Imaginer quelqu’un de muet qui aurait une petite grippe et une hémorragie interne… Pour que l’on s’intéresse à son hémorragie interne, il peut faire semblant de ne pas avoir de grippe … Afin de détouner l’attention portée sur celle-ci.
Le mensonge voudrait « démentir » un autre mensonge… « Je t’aime mais je ne t’aime pas, je ne t’aime pas pour ce que tu es… Pourquoi n’es-tu pas un autre… pourquoi n’es-tu pas qui tu n’es pas? »
Face à la complexité du désir maternel, entre sensation d’être mal aimé et crainte d’être dévoré, on ment, pour échapper à son emprise, tenter d’exister en dehors de son champ d’action, d’attraction ou de sensibilité. Tout en espérant l’attention paternelle.
Comment dire sans blesser sans mentir qu’un amour est empoisonné ?
Comment dire sans courir le risque d’être encore plus mal aimé (mal mené) ?
C’est un peu comme si le recours au mensonge n’était fait que pour attirer l’attention sur un mensonge plus essentiel et compromettant pour la vie.
Méfiance : Sensation d’avoir été trahie et besoin de réassurance en sont à l’origine. Il s’agirait plutôt d’extrême vigilance. Pour éviter de succomber à des nourritures qui ne conviennent pas et qu’il est vital de ne pas avaler… Blanche Neige a succombé à la pomme. Il s’en est fallu de peu pour qu’elle ne se réveille jamais…
L’hyper contrôle permet de parer à une hyper sensibilité constitutive, une fragilité émotionnelle, qui agit comme un handicap au niveaux des rapports sociaux. L’hyper contrôle sert à parer la crainte de l’effondrement pour qui s’est senti insuffisamment étayé.
Rivalité et jalousie : L’enfant pour se sentir aimé essaie de correspondre au désir maternel complexe tout autant qu’il a besoin d’y échapper.
Souvent élevé dans le souvenir d’un être idéal, « un autre idéalisé », frère ou oncle survalorisé… défunt magnifié/jalousé, haï/aimé comparé et mis en balance (de façon inconsciente) avec cet idéal, l’enfant (qui devient anorexique) tend vers cet idéal. Et entre sous l’influence maternelle, en rivalité inconsciente avec lui. Comme pour être aussi aimable que celui qu’elle n’est pas. Qui la précède et dont elle occupe la place, et dont le souvenir hante l’esprit de celle qui lui prodigue ses soins.
La tentation de plaire, pour ne plus déplaire, pour ne plus avoir mal à travers les projections qu’il reçoit, met l’enfant en rivalité avec sa mère. Un effet de souffrance narcissique en miroir réveille en effet sa jalousie possessive, envers l’enfant devenu – pour d’autres - si aimable. Si charmant. Si attachant.
Le perfectionnisme serait là pour tenter de ne plus être un « objet reprochable » et de gagner en reconnaissance, pour se réconforter, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur.
Tout en correspondant, par phénomènes d’imprégnation et d’identifcaton, au regard, à l’attente maternels
Têtu : Quand on a du supporter l’insupportable, il est difficile de renoncer à faire accepter l’inacceptable. Là où il y a entêtement il y aurait désir de vie.
Ambiguité sexuelle On est d’abord porté par le désir de sa mère, ou troublé par son doute… L’ambiguité et la complexité du désir maternel, dont l’enfant est l’objet l’encombre: « soit un mort, soit un garçon, pourquoi n’es-tu pas un mort, pourquoi n’es-tu pas un garçon, pourquoi n’es-tu autre que tu es »..
La mère semble oublier que l’enfant est le fruit de son désir (parfois teinté d’ambiguité) … Et l’en laisse douter.
Agression sexuelle : L’enfant se sent objet de désir mais non reconnu à travers lui.
La relation de proximité maternelle, entre fusion et confusion, peut-être vécue (à travers un excès de sollicitations) comme une agression incestueuse, non chaste, encombrante, confusionnante. Et si il y a réelle agression sexuelle du père ou d’un membre de la famille, ou d’un étranger, il y a dégoût non pas tant du sexe que du mensonge familial et social qui dit je t’aime comme pour dire je te hais. Ou je te veux comme pour dire je te détruis. Je te garde pour te perdre. Et autorise ce qu’une société prétend interdire.
Danger, se mettre en danger
L’enfant, qui souffre d’anorexie, tout en étant à la recherche de la différence entre ce qui lui fait du bien et ce qui lui fait du mal… a du mal à faire cette différence.
Quand on lui dit qu’il se met en danger en maigrissant, il répond « j’étais en danger avant de maigrir, c’est ma façon de vous le dire… » Je ne sais comment en sortir.
Distance et isolement Il arrive que la mère surprotège son enfant, et le tienne à distance du père, car elle a eu l’occasion d’en vouloir à une figure de père. Dont elle craint l’influence, tout en lui reprochant secrètement de ne pas être là, et de ne pas avoir été là, au moment où devenant mère, elle aurait eu beoin de lui[2]. Il est difficile pour l’enfant de rompre l’isolement.
Ainsi, entre manque et excès.
L’anorexie serait quelque chose qui cherche à se dire comme un sentiment d’abandon et de trahison et un appel au secours du père… face à des parents souvent « impuissants », parfois permissifs , plus enfants que parents… faisant parfois l’enfant à la place de l’enfant…
Une relation maternelle abusive n’est en effet rendue possible que par l’absence de l’homme en temps que père[3] et mari.
L’enfant faisant appel à lui pour échapper à l’influence d’une mère perçue, comme dangereuse, et vécu comme déliquescente, se sent troublé, lorsque, dans le regard paternel, se rencontre un séducteur. Ce regard est reçu comme un comme un excès, une nourriture affective déplacée.
La mélancolie maternelle a pu causer une fuite du père.
Mais les absences de celui-ci ont pu aussi provoquer la première, tout comme sa présence réelle aurait pu en éviter la reviviscence.
En matière d’anorexie on est au cœur d’une relation.
Un père qui laisse sa femme livrée à son sentiment d’abandon, la laisse attendre de l’enfant qu’il comble … ses propres manques.
L’enfant, qui répare la défection paternelle, tient auprès de la mère la place symbolique de l’amant, et doit être aussi bon pour elle que devrait être le père (absent). Ce que l’enfant ressent comme un excès, qu’il n’est pas autorisé à dénoncer. Tout en ayant le sentiment de ne pas être à sa place, de manquer d’air ou d’espace.
Objet tantôt de jouissance, tantôt de convoitise, l’enfant se sent mal exister,
Entre sentiiment d’abandon, permissivité et agression parfois sexuelle, trahie ou déboussolée, elle (il) résiste à sa mère et a du mal avaler ce qu’on lui tend.
Tout cela en grande partie se joue dans l’inconscient, et pas seulement à travers l’anorexie, mais souvent de façon plus aigüe et plus radicale à travers celle-ci.
L’anorexie serait l’expression tout à la fois d’un trop et d’un pas assez. Trop de désir, trop de plaisir. Trop de mère, pas assez de père.
L’impression de ne pas exister, ou d’avoir été laissé tombé[4].
Cependant,
S’il y a excès de mère c’est qu’il y a en parallèle une absence physique mais surtout symbolique du père. [5]…
C’est qu’il y a aussi père abandonnant, père séducteur ou père démissionnaire.
Si le comportement de la mère exclut le père, c’est que celui-ci se laisse faire.
S’il y a absence vitale de mère
C’est que « mal portante » est fragilisée et, quelque part, (en son enfance et en son désir d’enfant) menacée.
Mère enfant mère « ailleurs » mère absente, absorbée par la rivalité[6] et envahissante, mère dévorante de douleur[7] mère délaissée, non secondée, abandonnée à ses doutes à sa douleur … mère dévitalisante que l’enfant cherche à revitaliser, quand il sent qu’elle ne peut le porter seule.
D’ou mère à la fois possessive, hyper protectrice, craignant la résurgence du danger[8] (prête à le reconvoquer) - permissive et rejetante. Tantôt accaparante tantôt indifférente. (Quand elle, mère à son tour, a l’impression, par exemple, de n’avoir su échapper au (retour du) danger. Ou lors de la naissance d’un autre enfant)
Face à la place laissée vacante hier par le père, aujourd’hui par le mari absent, quand la mère n’est pas là pour l’enfant, elle demande à l’enfant d’être là pour elle, d’où la difficulté de celle-ci à s’affirmer comme personnalité séparée de sa mère – C’est en cela que l’enfant peine à grandir, et la jeune fille à devenir.
La difficulté est ainsi aussi refus de nourrir ce qui fait mal en soi. Ce qui a besoin de s’extirper pour se dire.
Il est rare que cela puisse se faire sans conflit. Dans des proportions raisonnables, celui-ci dément l’idéal et sert l’affirmation de l’identité.
Anorexie et psychanalyse
L’expression de cette difficulté à vivre, de cette hypersensibilité, est irréductible à un quelconque Œdipe. L’hypersensiblité de l’anorexique résiste à tout discours qui l’enferme, elle a besoin d’être comprise, acceptée pour ce qu’elle est. Entendue en tant que sujet, et non prise en tant qu’objet (de diagnostique, de jouissance, d’étude clinique…).
Si Antigone, la fille d’Œdipe en est venu à lancer son cri à travers l’histoire, c’est peut-être pour que soit symbolisée la nécessité de la présence du père, aux côtés de la mère. En tant que « autre » et en tant que tiers. Ainsi que la nécessité de marquer une frontière entre ce qui signifie la vie et ce qui signifie la mort.
Être ou paraître, comment naître ?
L’anorexie dépasse les apparences, même si elle se joue sur l’apparence. C’est bien l’apparence de l’amour qu’elle met en questions. A travers ses jeux de miroir et de transparences.
D’objet de plaisir (maternel), ou de désir (paternel), elle aspire à devenir sujet désirant qui a besoin de goûter le plaisir pour ce qu’il est, non envenimé…
Sa volonté de « s’en sortir » ne passe pas par le « mieux manger » mais le « mieux se sentir » : dans sa peau, dans sa vie, dans sa famille, dans son cœur.... De (re)trouver goût à…
Il ne s’agit pas de stigmatiser les parents - nul n’est coupable de souffrir - mais d’entendre que la maladie de leur enfant et celle de eux parents
Comment dire à une mère que ce n’est pas elle que l’on n’aime pas mais ce qu’elle nous transmet que l’on ne supporte pas ? Comment faire passer - si ce n’est par la nourriture que ce qui a été transmis a peut-être été empoisonné ?
Souvent niée, la douleur est immense, quand anorexique, on a besoin de se protéger[9] contre l’indicible abandon et une essentielle vulnérabilité.
Et tandis que la maigreur réveille bien des fantômes… que la naissance avait déjà reconvoqués, elle semble dire, certains jours « Aime-moi comme je suis et comme j’aimerais que tu m’aimes et non telle que je ne suis pas. Et crois moi, quand je te dis que j’ai mal, là, c‘est bien là que j’ai mal, ce n’est pas pour te faire mal »
Certains parents parviennent à entendre.
Certains médecins ou psychanalystes parviennent à les aider s’ils parviennent à s’effacer derrière leur savoir pour entendre ce qui ne peut se voir.
Ainsi, l’anorexie pose le problème de la correspondance entre désirs et responsabilité face à la transmission.
Qui en porte le symptôme ne se sent pas toujours concerné par la façon dont on en pose le problème.
J’espère, ayant été moi-même anorexique de longues années, y être un peu parvenue.
Tout est affaire de relation et d’interaction, de « transferts enfantins et de contre transferts » entre l’enfant et la mère, entre le père et l’enfant…
Pour conclure ;
Face à une stratégie de défense, une stratégie de survie… qui met son auteur en danger, il s’agit d’arriver à comprendre (entendre) la souffrance dont l’enfant est le dépositaire ; et pour lui, d’arriver à se déprendre, à ne plus dépendre de ce qui engendre cette souffrance . Mais à vivre avec des moyens qui ne se retourneront pas (comme certaines mères) contre lui. C’est en cela qu’il faut l’aider.
Un enfant anorexique est souvent un enfant « mal aimé ». Ce qui est difficile à concevoir et exprimer dans une société qui privilégie la défense des parents et qui favorise l’apparence au détriment de l’essence.
Lorsque la famille n’a su se remettre en questions, il reste à se soustraire seul aux soins et aux nourritures mortifères. Et faute d’avoir pu faire entendre - le passé inaperçu - qui continue à gémir dans les chairs (et à travers la chair) bien au-delà des mots, il ne reste qu’à opérer seule la séparation.
Pour parvenir à exister et aimer ailleurs.
S’affirmer autrement qu’à travers les fantômes et projections encombrants que sa présence dans une famille, dans une lignée, alimente.
Virgnie Megglé
Octobre 30, 2004
[1] Et soixante quinze pour cent des boulimiques. Mais bien qu’il arrive plus que souvent que les deux symptômes se rejoignent, je m’appliquerai ici à ne pas les confondre. Des boulimiques se reconnaîtront peut-être dans les pistes que je propose. Mais je tente d’aborder ici ce qui se déclare par « l’impssibilité, la difficulté à avaler». Même si la boulimie menace aussi l’anorexie, elle n’en est pas le simple pendant.
[2] Au moment où le bébé a disparu. Il peut aussi que l’anorexie saute une génération. (En cas de décès par exemple, le père fait alors figure de « redoutable » qui insinue le doute et la cainte).
[3] (Coureur ou Don juan, dans d’autres sphères ou sur les routes) En son absence la nécessité de la séparation ne peut être symblisée.
[4] Certaines mères sont apaisées à la naissance d’un nouvel enfant qui comble l’effet de manque créé ou ravivé en elle à l’occasion de la naissance du précédent
[5] Père dénié, père enfant, père voyeur, père violeur, père séducteur, persécuteur… mère qui fait barrage, doute sur la paternité… Père lui-même intimement blessé
[6] Avec la figure du garçon ou celle du mort
[7] (habitée par un enfant mort, habitée par le désir et la peur de faire ou de ne pas faire un fils à son père et au père de l’enfant pour compenser la fille qu’elle a été…(effet de transfert par projection et identification)
[8] Traumatisée par la perte d’un enfant ou de l’enfance. Qu’elle craigne qu’une mort ne se reproduise, que le père est une influence néfaste ou mortifère sur l’enfant…
[9] À défaut de se sentir protégé( e ) .
Avec une pensée émue pour Ginette Raimbault dont le merveilleux soutien psychanalytique a permis ce travail... et bien au-delà
Communication proposée lors du Salon du livre psy 2004
À lire:
Anorexie, précocité et douance
De l'intime au social : comment entendre les cris de ces corps qui s'effacent?